Discussion d'une proposition de loi — Texte n° 2459

Amendement N° 24 (Adopté)

(2 amendements identiques : 12 28 )

Publié le 22 avril 2024 par : M. Jean-René Cazeneuve, M. Lefèvre.

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Texte de loi N° 2459

Article 2 (consulter les débats)

Supprimer les alinéas 5 et 6.

Exposé sommaire :

Cet amendement vise à supprimer les dispositions de cet article qui rendent en pratique les pouvoirs du HCSF inapplicables, en limitant à trois mois maximum la durée durant laquelle les décisions du HCSF relatives aux conditions d’octroi de crédit pourront être en vigueur et en imposant un avis du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) pour un éventuel renouvellement.

D’une part, cette limitation à trois mois méconnaît le caractère structurel des mesures macroprudentielles visées à l’article L. 631-2-1 5° dont l’efficacité nécessite de s’inscrire dans la durée. Pour rappel, les mesures visant le crédit immobilier ont été instaurées suite à un diagnostic des risques du HCSF publié en 2019, qui constatait deux tendances depuis 2015 sur le marché immobilier résidentiel menaçant le modèle de financement français du logement et alimentant les risques de surendettement des ménages: une détérioration des conditions d’octroi des prêts à l’habitat et une hausse de l’endettement des ménages. Le taux d’effort moyen à l’émission des prêts était passé d’un point bas de 29,4 % en 2015 à 30,1 % en 2018. La maturité moyenne des nouveaux prêts était repartie à la hausse depuis 2015, passant de 18 années en 2015 à 19,9 années en 2018, égalant le niveau maximal atteint en 2008. L’apport initial moyen avait chuté à 12,7 % en 2018, après un point haut de 23,5 % en 2008. La part des prêts avec un taux d’apport inférieur à 15 % était passée de 48,1 % à 60,9 % entre 2008 et 2018. Cette détérioration était couplée à une hausse persistante et significative de l’endettement des ménages sur les deux dernières décennies, contrairement aux autres principaux pays avancés. L’endettement des ménages français rapporté au revenu disponible brut n’a pas baissé, même pendant la crise financière de 2008. Il reste aujourd’hui parmi les plus élevés en Europe, à plus de 96 % du revenu disponible brut au troisième trimestre 2023 contre 56 % vingt ans plus tôt.

Cette limitation ex ante de la durée de validité des mesures du HCSF méconnait également les délais associés à leur prise d’effet, puisqu’elles s’appliquent aux flux de nouveaux crédits octroyés par les banques, selon un processus qui peut prendre plusieurs mois, et non au stock existant. Comme le montre ainsi le bilan de la recommandation relative à l’octroi de crédits immobiliers résidentiels publié par le HCSF en septembre 2021, la normalisation des conditions d’octroi s’opère de façon progressive. Plusieurs trimestres ont ainsi été nécessaires pour réduire la part de la production non conforme, qui est passée de 28,8 % début 2021 à 20,09 % en juillet 2021. Cet assainissement des conditions d’octroi a été réalisé sans entraver la production de crédit à l’habitat qui a atteint des niveaux record en 2021 (production mensuelle moyenne de 22,8 milliards d’euros sur l’année 2021, en incluant les renégociations, contre 9,5 milliards sur la période 2003-2014) et au premier semestre 2022 (production mensuelle moyenne de 24,4 milliards d’euros). La flexibilité donnée aux établissements de crédit de se conformer sur trois trimestres aux règles édictées par le HCSF en matière de distribution de crédit immobilier du fait des délais opérationnels illustre également cette nécessité d’une approche qui s’inscrive dans la durée.

Limiter ex ante la durée de ces mesures créerait en outre une forme d’instabilité et d’incertitude réglementaire qui rendrait complexe leur mise en œuvre par les réseaux bancaires et qui réduirait pour les emprunteurs la visibilité sur leurs projets immobiliers.

On notera que les mesures visées à l’alinéa 6 sont très différentes des mesures mentionnées au point 5° ter de l’article L. 631-2-1, que le HCSF peut prendre pour une période maximale de trois mois, renouvelable après consultation du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières. En effet, la limitation de durée des mesures visées au point 5° ter de l’article L. 631-2-1 est justifiée par leur nature conservatoire d’urgence, puisqu’elles visent à prévenir des risques « présentant une menace grave et caractérisée pour la situation financière de l'ensemble ou d'un sous-ensemble significatif (…) ou pour la stabilité du système financier », ce qui n’est pas le cas des mesures visées ici. En tout état de cause, au-delà des mesures mentionnées au 5° ter de l’article L. 631-2-1, le HCSF a la faculté d’ajuster à l’occasion de chacune de ses réunions trimestrielles les mesures préalablement décidées, faculté qu’il a utilisée à plusieurs reprises.

D’autre part, au-delà de la lourdeur procédurale qu’elle générerait, la consultation systématique du CCSF pour avis semble incompatible avec le principe d’indépendance des membres du HCSF vis-à-vis du secteur financier et avec la responsabilité donnée au Gouverneur de la Banque de France de proposer des mesures au HCSF au titre de ce même article L. 631-2-1, responsabilité encore renforcée par l’obligation posée par la proposition de loi de publier ces recommandations. Cette consultation est par ailleurs inutile puisque le HCSF peut déjà entendre des représentants du secteur financier pour l’accomplissement de ses missions. Rendre cette consultation obligatoire pèserait sur la liberté de vote des membres du HCSF.

En outre, les missions du HCSF ne sont pas couvertes par le mandat du CCSF : l’article L614-1 du code monétaire et financier prévoit que le CCSF est chargé d'étudier les questions liées aux relations entre les entités du secteur financier et leurs clientèles respectives. Il s’agit ainsi d’un comité principalement destiné à se prononcer sur les questions de protection de la clientèle. Les décisions du HCSF fixant les conditions d’octroi de crédit, si elles ont une incidence sur les pratiques des établissements de crédit en matière d’octroi de prêts, ne sont pas motivées par la relation de ces établissements avec leur clientèle mais poursuivent un objectif général de stabilité financière, en prévenant l'apparition de mouvements de hausses excessives sur le prix des actifs ou d'un endettement excessif des agents économiques. Cela explique que la saisine du CCSF par le HCSF ne soit actuellement pas prévue par l’article L614-1 du code monétaire et financier.

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