Intervention de Aymeric Caron

Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAymeric Caron, rapporteur :

Tout d'abord, je tiens à vous rassurer : je déposerai naturellement un amendement en séance publique pour abolir les combats de coqs. J'espère que vous le voterez.

Madame Blin, je vais sans doute vous surprendre : il arrive, en politique, que l'on mène un combat pour une cause à laquelle on croit. Est-ce par goût du sensationnel que Victor Hugo, Émile Zola et Victor Schœlcher ont dénoncé la corrida ? Est-ce dans un but électoraliste que des députés de votre groupe, emmenés par Éric Pauget, Ian Boucard et Julien Dive, ont déposé exactement la même proposition de loi lors de la précédente législature, allant même jusqu'à demander d'« arrêter le bain de sang » ? Je pense pour ma part que leur démarche était sincère.

Selon vous, le taureau serait un animal sauvage : connaissez-vous réellement le sujet de la corrida, madame ? Cela fait deux siècles que la question a été tranchée : le taureau est un animal domestique et c'est précisément pour cela que les corridas sont interdites dans 95 % du territoire. Le taureau est d'ailleurs tellement peu féroce qu'il cherche très souvent à fuir, paniqué, lorsqu'il se trouve dans l'arène.

Autre argument surprenant : je porterais atteinte à la biodiversité, moi qui suis écologiste ! Le taureau de combat n'est pas une espèce : c'est une race artificielle, qui ne comporte que quelques centaines d'animaux. À qui voulez-vous faire croire que la biodiversité de certaines régions serait en danger si quelques centaines de taureaux ne naissaient plus chaque année ?

Enfin, en citant un sondage sur l'opinion des habitants des villes taurines, vous omettez un chiffre : 61 % de ces habitants, ceux-là mêmes qui veulent que les fêtes taurines se poursuivent – ce que n'empêche absolument pas ma proposition de loi – souhaitent qu'on en finisse avec la mise à mort des taureaux.

Madame Lebec, vous dites ne pas vouloir soutenir les interdits. Vous appartenez pourtant à une majorité qui les a multipliés ces dernières années, que ce soit pendant la pandémie de covid-19 ou lors des mouvements de protestation populaire. Dans certains cas, les libertés que garantit l'interdit dépassent de beaucoup ses inconvénients. Vous le savez pertinemment, vous qui êtes allés jusqu'à voter, dans une loi que je salue, l'interdiction des delphinariums et des animaux vivants dans les cirques, dans un but de protection du bien-être animal. Ce faisant, vous n'échappez pas à la contradiction car vous vous êtes ainsi attaqués à un art, le cirque, qui ne pratiquait pas la mise à mort des animaux. Et aujourd'hui, vous auriez une difficulté à voter un texte qui propose un interdit, par comparaison, bien mineur ? La présidente de votre groupe, Mme Aurore Bergé, aurait d'ailleurs pu signer mon texte puisqu'elle en a signé un quasiment identique dans une tribune publiée l'an dernier dans Le Journal du dimanche demandant l'abolition de la corrida. Quant à M. Sylvain Maillard, votre président par intérim, il partage exactement la même position.

Monsieur Houssin, vous déplorez que la proposition de loi évoque, dans son dispositif, les courses de taureaux et non la corrida. Ce n'est pas moi qui n'ose pas en parler, c'est le code pénal qui est ainsi formulé. Jamais la justice n'a établi que les courses landaises et camarguaises donnaient lieu à des actes de cruauté passibles de poursuites.

Enfin, certains d'entre vous tentent de faire diversion en orientant le débat sur l'antispécisme, qui vous effraie tant, voire le véganisme. Or, nous sommes déjà soumis à une loi antispéciste puisque la corrida est interdite. Nous ne cherchons qu'à éliminer une exception à la loi commune. Celle-ci, lorsqu'elle s'applique à Lille, à Paris ou à Strasbourg serait donc antispéciste ? En réalité, vous vous cachez derrière toutes les excuses imaginables – tradition, culture, économie, biodiversité – pour éviter de répondre à la seule question qui vous est posée : êtes-vous favorables à la torture animale ? Les Français ne sont pas dupes et se souviendront de votre vote.

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