Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du lundi 11 juillet 2022 à 21h00
Commission des affaires économiques

Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion :

Le Gouvernement a bien conscience des contraintes que constituent les délais imposés pour la discussion de ce texte relatif au pouvoir d'achat, mais nous avons fait le choix de le présenter en Conseil des ministres dès la nouvelle Assemblée installée afin que celle-ci puisse l'examiner aussi rapidement que possible et qu'il entre en vigueur au plus tôt. Nombre de mesures que nous proposons sont des mesures de protection attendues par nos concitoyens, et même si les avis peuvent diverger sur telle ou telle, même s'il peut exister des désaccords sur le curseur ou le niveau de protection ou d'engagement, il y a chez nous tous – je l'espère – la volonté partagée de protéger le pouvoir d'achat de nos compatriotes.

Ce dernier est évidemment au cœur des préoccupations du Gouvernement, comme il était au cœur des préoccupations des gouvernements qui se sont succédé au cours du précédent quinquennat. Pour m'en tenir à ces quelques exemples, sous le précédent quinquennat, les impôts des ménages ont baissé de 25 milliards d'euros et le minimum vieillesse, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et la prime d'activité ont été revalorisés dans des proportions inédites. Plus largement, depuis 2017, nos priorités ont été de renforcer l'appareil productif et de réformer le marché du travail pour créer de la richesse et de l'emploi durable. Nous persévérons dans cette voie, celle de la croissance et du plein emploi, car nous considérons que c'est à ces seules conditions que nous pourrons améliorer de façon durable le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Nous n'avons pas à rougir de nos résultats. Les enquêtes, telle que celle réalisée par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) en mars dernier, le confirment : le dernier quinquennat fut un quinquennat de pouvoir d'achat. Celui‑ci a plus augmenté durant les cinq dernières années que lors des deux quinquennats précédents. Concrètement, hors inflation, c'est environ 300 euros en moyenne par an que nous avons pu apporter à chacun de nos compatriotes grâce aux créations d'emploi et aux mesures que nous avons prises. Cet acquis ne suffit néanmoins pas, puisque nous sommes confrontés à une situation inédite : l'inflation, que l'on croyait durablement éloignée, est en effet de retour partout dans le monde ; la France n'y échappe pas : même si elle s'établit dans notre pays à un taux très largement inférieur à celui de nos voisins, elle pourrait atteindre, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), 5,5 % en 2022, soit son plus haut niveau depuis 1985.

Au-delà de la réalité statistique, c'est la vie quotidienne de nos concitoyens qui est touchée, parfois bouleversée, par l'augmentation des prix. Nombre de petites entreprises se retrouvent en difficulté faute de pouvoir répercuter totalement la hausse de leurs coûts. Cette réalité, le Gouvernement ne l'a jamais ignorée. Nous n'avons pas attendu ce projet de loi pour apporter des solutions concrètes, susceptibles de répondre à l'urgence ; dès l'automne, nous avons mis en place des mécanismes inédits afin de protéger les Français. Nous avons ainsi créé un bouclier tarifaire pour l'énergie et le gaz – ma collègue Pannier-Runacher y reviendra plus longuement –, nous avons institué une remise carburant de 18 centimes par litre, nous avons versé une indemnité inflation à 38 millions de Français ainsi qu'un chèque énergie exceptionnel.

Ces mesures ont massivement soutenu le pouvoir d'achat des Français. Elles ont aussi contribué à réduire l'inflation : Malte exceptée, la France a le taux d'inflation le plus bas de la zone euro. Ce pic d'inflation, qui, comme l'a souligné la Banque de France, est temporaire, tend malgré tout à durer et s'accroît. Personne ne peut nier le ressenti de nos concitoyens face à cette situation. Il y a donc urgence à intervenir.

Répondre à cette urgence par des mesures concrètes est le premier objectif du projet de loi – même si, la présidente Khattabi l'a rappelé, tout ne figure pas dans le texte. Il existe d'autres mesures, qui ne relèvent pas du périmètre de la loi : je pense à l'indemnité carburant pour les travailleurs, qui sera versée en octobre prochain, ou à l'aide exceptionnelle de solidarité, qui bénéficiera à près de 14 millions de personnes à la rentrée. Autant de mesures que nous pouvons prendre par voie réglementaire sans que nous ayons à prévoir une disposition législative. Qu'elles soient absentes du projet de loi signifie donc, non pas qu'elles sont abandonnées, mais que nous les mettons en œuvre d'une autre manière.

On trouvera néanmoins dans ce texte une deuxième réponse, qui consiste à mieux valoriser le travail, par la baisse pérenne des charges sociales qui pèsent sur les travailleurs indépendants, par le renforcement des dispositifs de partage de la valeur, et en s'assurant que les salariés ne voient pas leurs salaires bloqués au SMIC malgré leur ancienneté et les évolutions de postes – je pense aux conventions collectives et aux minima de branche. Je tiens, dès à présent, à préciser que valoriser le travail, ce n'est pas fragiliser nos entreprises. Ce sont elles qui créent les emplois. Je ne suis pas de ceux qui opposent le pouvoir d'achat des salariés et le résultat des entreprises. Répondre à l'urgence sans perdre de vue nos objectifs à plus long terme est aussi l'enjeu de ce projet de loi, dont je vais à présent détailler les mesures sociales.

Nous proposons d'abord, comme s'y était engagé le Président de la République, de tripler et de pérenniser la prime de pouvoir d'achat. Les entreprises pourront verser une prime de 3 000 euros, pouvant dans certains cas aller jusqu'à 6 000 euros, par an et par salarié, exonérée de cotisations sociales, en une fois ou de manière fractionnée – ce qui est une nouveauté, et permettra à des entreprises disposant de moins de trésorerie de procéder à ce versement.

Par ailleurs, pour inciter au versement de primes et accroître les gains de chaque salarié dans cette période de tension sur le pouvoir d'achat, les primes versées d'ici à la fin de l'année prochaine aux salariés percevant moins de trois fois le SMIC seront entièrement exonérées de contributions et de cotisations sociales, ainsi que défiscalisées.

Nous proposons donc à la fois une mesure pérenne pour améliorer le pouvoir d'achat et une mesure exceptionnelle de pouvoir d'achat pour les salariés.

Nous proposons aussi un ensemble de mesures destinées à faciliter la mise en œuvre du dispositif d'intéressement, en particulier pour les petites entreprises, avec des mesures concrètes qui proviennent toutes de remontées du terrain, et un objectif clair : lever tous les blocages identifiés de manière à favoriser l'essor de l'intéressement dans les entreprises. Nous allons supprimer les contrôles a priori, rendre possible la mise en place de manière unilatérale d'un accord d'intéressement dans les entreprises de moins de cinquante salariés, contre onze actuellement. Tout ce qui est susceptible de développer l'intéressement a été retenu.

Nous proposons de baisser les cotisations sociales des travailleurs indépendants. Cette baisse pérenne se traduira par un gain de pouvoir d'achat pouvant aller jusqu'à 550 euros pour les travailleurs non salariés gagnant l'équivalent du SMIC – nous savons que c'est pour beaucoup d'entre vous une priorité. Tous les micro-entrepreneurs et près de 80 % des artisans, des commerçants et des exploitants agricoles bénéficieront ainsi d'une hausse substantielle de leur pouvoir d'achat. Cette exonération sera compensée à la sécurité sociale par l'État.

Enfin, nous proposons une mesure visant à inciter les branches professionnelles à maintenir des minima conventionnels au moins au niveau du SMIC. Il s'agit de se donner les moyens de fusionner celles des branches qui présenteraient des minima durablement inférieurs au SMIC, ce qui freine la progression salariale et pénalise l'attractivité de ces secteurs. Le Gouvernement s'attelle pleinement à la résolution de ce problème. J'ai d'ailleurs réuni jeudi dernier le comité de suivi de la négociation salariale de branches – le précédent s'était tenu en décembre dernier sous la présidence de la ministre du travail de l'époque, Mme Élisabeth Borne. Nous ne relâcherons pas nos efforts. J'ai demandé à mes services d'être particulièrement attentifs à l'état des négociations par branche sur cette question.

Nous devons en particulier éviter deux écueils. Le premier serait de considérer que le problème concerne la quasi-totalité des entreprises, alors que ce n'est pas le cas. Le nombre de branches concernées est temporairement important du fait de la revalorisation du SMIC intervenue le 1er mai dernier – sur douze mois, elle s'élève à 5,9 %, ce qui a amené de nombreuses branches à avoir des minima inférieurs au SMIC. Toutefois, entre le 1er mai et le 1er juillet, près d'un quart des branches concernées se sont mises en conformité et beaucoup d'entre elles ont ouvert des discussions. Pour la plupart, le problème est transitoire, lié aux délais normaux de négociation.

Le second écueil serait de nous substituer à la négociation collective ou de recourir à des dispositifs qui pénaliseraient les petites entreprises. Nous croyons pour notre part aux vertus du dialogue social de branche pour régler ces situations, quitte à inscrire parfois des niveaux inférieurs en commission paritaire et à en assurer le suivi régulier.

Dernier point : la revalorisation des prestations sociales. Nous proposons d'avancer au 1er juillet de cette année les revalorisations prévues au 1er janvier ou au 1er avril de l'année prochaine, avec, pour l'ensemble des prestations, une augmentation de 4 %. Cette hausse pourra, le cas échéant, être perçue à titre rétroactif de manière à respecter la temporalité du débat parlementaire. Cette revalorisation s'ajoutera à celles de 1,1 % pour les allocations perçues le 1er janvier dernier et de 1,8 % pour celles touchées le 1er avril. Elle concernera tous les retraités, y compris les travailleurs indépendants et les fonctionnaires ; elle soulagera le quotidien des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), de l'AAH, de l'allocation de solidarité spécifique ; elle touchera les bénéficiaires de la prime d'activité. Enfin, seront intégrées dans les prestations familiales les autres prestations de la sécurité sociale, les allocations d'accompagnement vers l'emploi, ainsi que les bourses du secondaire – nous agissons ainsi pour les étudiants.

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