Intervention de Gérard Leseul

Réunion du lundi 11 juillet 2022 à 21h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Leseul :

Je regrette les mauvaises conditions d'examen de ce texte, que nous étudions simultanément dans trois commissions, avec un délai de moins de quarante‑huit heures pour rédiger les amendements, alors même que le Gouvernement élabore ce projet depuis plusieurs semaines. Cela augure très mal de la nouvelle méthode annoncée par la Première ministre. Ce premier texte de la législature concerne le pouvoir d'achat, ou plutôt, devrais‑je dire, est supposé en traiter, car il nous est finalement présenté un projet de loi un peu fourre‑tout, principalement composé de mesures relatives au domaine énergétique, avec quelques dispositions d'ordre économique, mais qui ne traite pas au fond du pouvoir d'achat global de nos concitoyens.

Pour protéger le pouvoir d'achat, vous consacrez une vision court-termiste qui se cantonne finalement à trois types de solutions largement insuffisantes : la sous-indexation des prestations sociales des bénéficiaires, la baisse des cotisations sociales et l'incitation à verser des primes aux salariés par les entreprises. Les trois premiers articles creusent délibérément le trou de la sécurité sociale, sur lequel le Gouvernement pourra ensuite s'appuyer pour justifier la baisse des droits sociaux et notamment la réforme des retraites. L'article 1er prévoit un triplement du plafond de la prime Macron et l'exonération de prélèvements sociaux dans la plupart des cas. L'article 2 instaure de nouvelles exonérations de cotisations pour les indépendants, dont la compensation par l'État à la sécurité sociale n'est pas prévue. L'article 3 comprend des mesures visant à la généralisation de l'intéressement, un dispositif qui échappe à la plupart des prélèvements sociaux par l'employeur. Pour l'ensemble des comptes sociaux, c'est une perte massive.

Votre texte ne propose pas de solutions de long terme mais des mesurettes qui conduisent en définitive à abîmer notre modèle social et à faire reposer l'effort sur les Françaises et les Français, qui verront en réalité leur pouvoir d'achat s'éroder, notre modèle social détricoté et aucune augmentation réelle de salaire dans la durée. C'est pourquoi, à gauche, nous avons travaillé sur une contre-proposition de loi visant à augmenter le traitement des fonctionnaires de 10 %, indexer les pensions de retraite sur l'inflation, revaloriser l'allocation de rentrée scolaire et les aides pour le logement, déconjugaliser l'AAH, encadrer les loyers et bloquer temporairement les prix d'un ensemble de biens de première nécessité. Toutes ces mesures contribueraient dès la rentrée à l'institution d'un réel bouclier protégeant le pouvoir d'achat de tous les Français.

Dans nos territoires périurbains et ruraux, dans nos campagnes, nombre de nos concitoyens se trouvent en difficulté, voire en très grande difficulté, pour joindre les deux bouts. À plus de 2 euros le litre de carburant, le problème du déplacement est encore plus crucial qu'hier, plus onéreux pour les Français, alors que, dans le même temps, une entreprise comme Total a largement bénéficié de cette situation en engrangeant près de 16 milliards d'euros de bénéfices, et déjà plus de 5 milliards sur le premier semestre de 2022. C'est pourquoi nous sommes favorables à un blocage temporaire des prix du carburant ainsi que des biens de première nécessité, qui représentent des dépenses contraintes pour nos concitoyens, qu'il s'agisse des aliments de base, des produits d'hygiène, etc.

Nous proposerons également une baisse de la TVA sur les billets de transport en commun et de train. Il faudra augmenter les investissements structurels dans ces secteurs et renforcer les petites lignes, trop longtemps délaissées.

Mesdames et messieurs les ministres, nous sommes opposés, philosophiquement et donc politiquement, à votre vision de la société telle qu'elle s'exprime dans ce texte. La rémunération du travail, ce ne sont pas des primes, c'est au contraire du salaire brut et du salaire net à la fin du mois. Vos primes font l'impasse sur les cotisations sociales, alors que nous avons besoin de ces dernières pour renforcer notre protection sociale, nos retraites ou encore l'hôpital public, qui a besoin d'un grand plan d'investissement, le plus rapidement possible. La revalorisation des salaires nous paraît une réponse urgente à apporter face au malaise qui traverse notre société. Des richesses existent, mais elles sont très inégalement réparties : le CAC 40 a dégagé près de 160 milliards de bénéfices en 2021 et versé 60 milliards de dividendes, tandis que l'épargne covid est estimée à 175 milliards d'euros. Comment dire, dans ces conditions, que nous ne pouvons pas revaloriser le travail, et notamment le SMIC ?

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