Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du lundi 11 juillet 2022 à 21h00
Commission des affaires économiques

Olivier Dussopt, ministre :

J'espère que les débats dans l'hémicycle et la discussion des articles nous permettront d'apporter les précisions nécessaires car je crains que nos réponses, à cette heure tardive et compte tenu du temps qui nous reste, ne soient pas exhaustives.

Je commencerai par souligner que la revalorisation de 4 % qui sera appliquée sur les droits et prestations sociales vient après la revalorisation de 1,1 % des retraites en janvier et celle des prestations sociales, à hauteur de 1,8 %, en avril – soit, en cumulé, 5,1 % et 5,8 %. Afin de protéger le pouvoir d'achat des Français, cette revalorisation exceptionnelle anticipe les revalorisations de droit commun prévues jusqu'en avril 2023. La mesure coûte 6,7 milliards d'euros, ce qui est loin d'être dérisoire.

Des craintes ont été exprimées quant à la capacité des départements, dans les outre‑mer ou en métropole, d'assumer l'augmentation du RSA. Mes collègues Christophe Béchu et Caroline Cayeux ont engagé une discussion globale avec les collectivités sur la question du financement et c'est un point auquel nous accordons toute notre attention. Je tiens toutefois à souligner que les dépenses liées au RSA en 2022 sont en diminution de 5,1 %, après une première baisse de 2,1 % en 2021, du fait de la reprise économique et d'un nombre d'allocataires moins élevé. Nous estimons qu'après la revalorisation de 4 % du RSA, la baisse des dépenses serait en moyenne de 0,3 % en 2023. La revalorisation nous paraît donc absorbable, mais nous suivons avec attention la situation de chaque département.

Le Gouvernement a l'intention d'instituer un dispositif transitoire qui permettra de maintenir le montant de l'AAH jusqu'à l'expiration des droits acquis pour les allocataires qui seraient susceptibles de le voir baisser en raison de la déconjugalisation. Ainsi, cette mesure ne fera pas de perdants – ils auraient pu se compter en dizaines de milliers. Nous ferons en sorte que la rédaction de ce dispositif, et celle des amendements qui pourraient la modifier, soit parfaitement sécurisée.

L'exonération des cotisations maladie pour les travailleurs indépendants sera de 100 % lorsque les revenus s'élèvent à 40 % du plafond de sécurité sociale – soit 1,05 SMIC – puis dégressive pour les revenus allant jusqu'à 60 % du plafond de sécurité sociale – soit 1,5 SMIC. Nous avons construit ce dispositif pour éviter tout effet de seuil et obtenir un lissage.

Avec la revalorisation automatique du SMIC, nous disposons d'un des dispositifs les plus protecteurs du salaire minimum qui soient. Alors qu'il n'avait été activé qu'une fois depuis 2008, le système l'a été deux fois en neuf mois, pour une hausse globale de 5,9 %, équivalente à l'inflation. Si, dans les semaines qui viennent, l'INSEE constatait une inflation supérieure à celle prévue, une nouvelle revalorisation interviendrait. Cela ne devrait pas être le cas au 1er août, mais dans la mesure où la référence est l'inflation constatée pour le premier quintile de revenus, il vaut mieux attendre les publications de l'INSEE pour le confirmer.

Compte tenu de ces revalorisations, certaines branches voient leurs minima passer sous la barre du SMIC. Cela ne signifie pas, fort heureusement, que les salariés sont payés au‑dessous du SMIC, mais que la possibilité de percevoir une rémunération supérieure au SMIC prendra plus de temps. Au 1er mai, 140 branches, sur les 170 que la direction générale du travail observe, étaient concernées ; elles ne sont plus que 105 aujourd'hui. La plupart d'entre elles respectent l'obligation d'ouvrir une négociation dans les trois mois qui suivent le passage au‑dessous du SMIC ; les autres sont incitées à engager les discussions par une commission paritaire.

Nous proposons, avec l'article 4, de créer un nouveau critère de restructuration des branches. Si une branche reste durablement avec au moins un palier au‑dessous du SMIC, le Gouvernement prend un arrêté de constatation, accompagné d'un projet de fusion avec une branche ayant fait l'objet d'une revalorisation conséquente. Si la branche concernée n'ouvre pas des négociations dans un délai bref, la restructuration sera d'office. Cette mesure, dont nous avons discuté avec les partenaires sociaux, a le mérite de maintenir le dialogue social.

Nous avons constaté, dans le cadre des négociations collectives, que les revalorisations, qui étaient en moyenne de 1,5 % par an entre 2014 et 2020, sont passées à 1,9 % en 2021 et se situent aujourd'hui entre 2,5 et 3 %. Nous voyons bien que l'effet inflationniste a des conséquences sur le niveau des branches. Nous avons choisi de ne pas indexer les paliers des branches sur le SMIC, considérant que le dialogue social devait permettre des différences de revalorisation entre paliers. Nous avons laissé aux partenaires sociaux le soin de cette discussion, même si nous la suivons de très près – je préside, comme ma prédécesseure Élisabeth Borne, le comité de suivi des négociations salariales.

Pas moins de 4 millions de personnes ont perçu la PEPA depuis sa création. Nous proposons d'instaurer une prime de partage de la valeur (PPV), dont le montant pourra aller jusqu'à 3 000 euros, et jusqu'à 6 000 euros lorsqu'un dispositif d'intéressement sera mis en œuvre par l'entreprise. Premier dispositif : cette prime sera totalement défiscalisée pour les salariés qui perçoivent moins de 3 SMIC. Suivant l'avis du Conseil d'État, nous avons prévu que ce dispositif serait temporaire et prendrait fin au 31 décembre 2023. Nous introduisons une nouveauté, le fractionnement, en précisant, pour éviter tout effet d'éviction du salaire, qu'il ne peut s'agir de mensualisation.

Second dispositif : les autres salariés, à partir de 3 SMIC, seront eux aussi exonérés de cotisations salariales mais le régime fiscalo-social de la PPV sera aligné sur celui de l'intéressement et de la participation. Cela répond à la crainte, exprimée par certains, d'une « cannibalisation » des dispositifs d'intéressement. Je veux dire ici que l'intéressement est un outil qui nous convient et que nous poussons : il a représenté 21 milliards d'euros l'année dernière, soit un gain moyen de 1 000 euros par salarié concerné. Nous sommes loin, là encore, de mesures qui pourraient être considérées comme dérisoires. Ainsi que l'a proposé le Conseil d'État, ce second dispositif sera pérenne.

La suppression totale du taux majoré de CSG représenterait un coût de 3,5 milliards d'euros, d'où notre avis défavorable.

Quant aux heures supplémentaires, nous sommes ouverts à une discussion sur le plafond en deçà duquel la défiscalisation peut s'appliquer, ainsi qu'à des outils permettant d'améliorer le dispositif de défiscalisation et d'exonération de cotisations. En revanche, une défiscalisation et une désocialisation totales seraient coûteuses – 5,8 milliards d'euros, dont 5,5 milliards de cotisations patronales, de CSG et de CRDS – et il faut rester raisonnable du point de vue budgétaire. Voilà qui laisse un peu d'espace pour la discussion.

Je veux dire à celles et ceux qui nous ont interrogés sur les mesures de soutien au pouvoir d'achat déjà prises depuis le début de l'année que leur montant dépasse 30 milliards d'euros, dont 13 milliards pour le bouclier énergétique, 6,7 milliards de revalorisation des prestations sociales et des pensions et 5 milliards d'aides au carburant.

M. Turquois s'est inquiété du calcul du taux d'assujettissement à la CSG et du franchissement des seuils qui le déterminent en conséquence de la revalorisation des pensions de retraite. Si on revalorise celles-ci en 2022, la prise en compte du nouveau niveau de pension pour la définition du taux de CSG auquel le retraité est assujetti interviendra en 2024, puisque ce sont les revenus de l'année n‑2 qui servent à calculer ce taux. Or, d'ici à 2024, les seuils qui déterminent le taux seront revalorisés au même rythme que l'inflation. Dans la mesure où la revalorisation des retraites est elle aussi calée sur le rythme de l'inflation, l'évolution des seuils au même rythme prémunit tout retraité d'un franchissement de seuil dû à la revalorisation des pensions que nous vous proposons.

Je m'excuse par avance auprès de ceux à qui je n'aurais pas répondu, mais le débat en séance nous permettra de revenir sur les différents points qui ont été évoqués.

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