Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du lundi 11 juillet 2022 à 21h00
Commission des affaires économiques

Agnès Pannier-Runacher, ministre :

Le dispositif ARENH est le seul qui permette d'accompagner les entreprises industrielles, car celles-ci ne bénéficient pas du blocage apporté par le bouclier énergétique. L'ARENH a ainsi permis de préserver 150 entreprises industrielles et 45 000 emplois industriels et de sécuriser plusieurs sites. À ce sujet, madame Battistel, vous vous souvenez certainement du dossier Ferropem, que vous aviez suivi de très près avec moi : c'est un exemple typique.

Le prix de ce dispositif est supérieur au coût de production. On fait donc une confusion lorsqu'on dit qu'EDF vend à perte, puisqu'il vend au-dessus de son coût de production ; en revanche, il y a bien une perte d'opportunité par rapport au coût de l'électricité. On pourrait dire, si on était un peu taquin, que c'est une façon de taxer des surprofits…

L'État détient 85 % du capital d'EDF et a annoncé par la bouche de la Première ministre sa volonté de porter sa participation à 100 %. Je vous rassure donc, monsieur Tavel : la nationalisation a déjà été faite depuis longtemps ; en réalité, EDF a toujours été public. Mais une montée au capital n'est pas une recapitalisation : il s'agit de deux opérations différentes. La démarche annoncée correspond en revanche bien à ce que vous demandez ; vous devriez vous en réjouir.

Cela me permet également de répondre à votre question sur l'ARENH : dès lors que l'État détient 100 % du capital, les finances d'EDF, par congruence, ce sont les finances de l'État. Nous avons toujours été derrière EDF. Nous avons en effet procédé à des recapitalisations lorsque l'entreprise en avait besoin. L'État actionnaire a donc toujours été responsable et au rendez-vous. Que n'aurait-on pas entendu si les entreprises industrielles fortement frappées par l'augmentation des prix de l'électricité avaient déposé le bilan, avec les milliers de suppressions d'emplois et de licenciements qui se seraient ensuivis !

Avec l'ARENH, les fournisseurs ne peuvent profiter d'un effet d'aubaine, car la production est transmise pour bénéficier directement au consommateur final. La CRE contrôle ces éléments. Lorsque j'avais encore le portefeuille de ministre de l'industrie, j'ai moi-même réuni l'ensemble des fournisseurs d'énergie, avec le président de l'époque de la CRE, pour les rappeler très clairement à leurs obligations. Nous avions également produit une information destinée à toutes les filières pour qu'elles puissent saisir directement la CRE à des fins d'enquête si elles constataient que leurs mandants n'appliquaient pas l'amélioration des prix pour les entreprises, notamment industrielles.

En ce qui concerne le développement des énergies renouvelables, le projet de loi annoncé nécessite la concertation de six entités, qui prend quatre semaines. C'est l'une des raisons qui expliquent qu'il ne puisse être prêt qu'à la rentrée, mais il n'est pas repoussé d'autant : nous continuons d'y travailler et nous avons tout un train de mesures disponibles. Du côté réglementaire, nous avons déjà pris des dispositions pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables, s'agissant notamment des raccordements des 7 gigawatts non raccordés – ce qui ne relève pas du législatif, ni même, à vrai dire, du réglementaire, mais de l'action commune que mènent le ministre de l'énergie et Enedis en suivant un à un tous les projets du vivier pour en accélérer la mise en œuvre. Nous sommes à la manœuvre dans ce domaine, nous avons pris des mesures réglementaires la semaine dernière et nous le ferons à nouveau dans les prochains jours afin de débloquer du photovoltaïque, de l'éolien terrestre et du biogaz.

À propos de la sobriété énergétique, je suis un peu étonnée : nous venons de lancer un plan à ce sujet et cela ne relève pas non plus du domaine réglementaire. La loi « climat et résilience » prévoit diverses mesures en la matière ; elles gagneraient à être appliquées et nous avons rappelé les acteurs économiques à leurs responsabilités, comme pour l'État. Notre plan inclut la réduction de 10 % de la consommation d'énergie : il s'agit bien de sobriété, non d'efficacité énergétique. Cette mesure s'ajoute à toutes les autres que nous prenons.

Madame Rousseau, vous aurez constaté que dans le projet de loi de finances rectificative, comme je l'ai dit dans mon propos introductif, des crédits additionnels sont consacrés à la rénovation thermique et à la conversion de véhicules. Par ailleurs, l'obligation de rénovation des passoires thermiques a été votée dans le cadre de la loi « climat et résilience » ; certains ici l'ont jugée trop vigoureuse, vous trouvez qu'elle ne l'est pas assez : on peut donc penser qu'elle représente un juste milieu.

En ce qui concerne les centrales à charbon, il y a des projets durables de reconversion. D'abord, trois implantations dans la chimie verte, sur la plateforme industrielle de Saint-Avold, soutenues par France relance : Circa, Metex et Afyren. Je me suis rendue sur place pour finaliser ces projets, qui représentent plusieurs centaines d'emplois. Une centrale biomasse va alimenter le territoire en chaleur renouvelable, avec le soutien de l'État. Un projet de production d'hydrogène de bus pourra être financé grâce au fonds de compensation carbone que nous instituons dans le présent projet de loi.

La nécessité d'inclure dans les délais les opérations de remise en arrêt, qui prennent un certain temps, explique la durée de trente-six mois de contrat, soit au-delà de la fin de l'hiver, pour les salariés réembauchés. C'est sur la base du volontariat que ces salariés reprendront le travail. L'accompagnement proposé prévoit une reconversion et une allocation de l'État lors du congé de reclassement. Quatre-vingt-sept salariés sont inclus dans le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ; le projet de loi sécurise leur situation au regard de ce PSE de qualité. Au total, 250 millions d'euros d'investissement public et privé sont consacrés à leur reconversion. On peut donc considérer qu'un peu de travail a été fait en la matière.

Il n'a jamais été question de fermer Cordemais en 2022, seulement en 2026 ; je vous renvoie aux décisions qui ont été clairement annoncées depuis un certain temps compte tenu des besoins de la Bretagne en électricité.

En ce qui concerne la baisse du prix du carburant, quelques éléments factuels sur la baisse des taxes. Si on ramenait à 5,5 % le taux de TVA sur TICPE, cela représenterait l'équivalent d'une perte de recettes de 6 milliards d'euros, à laquelle s'ajouteraient 35 milliards en ramenant la TICPE à zéro comme cela a été évoqué, soit 41 milliards pour cette seule mesure : cela ne me paraît pas cohérent avec l'objectif, que je comprends parfaitement, de meilleure gestion des finances publiques et d'attention particulière à notre trajectoire en la matière. Le chiffrage est à peu près le même pour le blocage du prix du carburant à 1,5 euro le litre, si l'on se fonde sur la moyenne des prix précédemment constatés. Pour proposer cela, il faut des recettes en face, qui pourraient modifier singulièrement le projet.

Monsieur Turquois, la mesure concernant la centrale de Saint-Avold ne modifie pas notre trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui a d'ailleurs été renforcée sous la présidence française de l'Union européenne – j'ai personnellement bouclé la négociation sur le paquet « climat » il y a deux semaines – pour atteindre une réduction de 55 % de nos émissions à l'horizon 2030.

La puissance de Saint-Avold s'élève à 600 mégawatts et le charbon représentait l'année dernière 0,7 % de l'ensemble de notre production d'électricité. En règle générale, on fait appel à une centrale à charbon lors de pics de consommation, de huit heures à treize heures et de dix-huit heures à vingt heures ainsi que dans les périodes de froid plus intense.

En matière de sobriété, nous devons nous préparer collectivement en vue de l'hiver prochain à baisser notre chauffage d'un degré, du moins pour ceux qui chauffent à plus de dix-neuf degrés. La température de consigne de dix-neuf degrés n'est en effet pas toujours respectée dans les logements, sans doute parce que c'est une habitude que l'on n'avait pas et qu'il faut retrouver. Dix-neuf degrés, c'est bon pour la santé, et c'est aussi 7 % d'économies d'énergie pour la France : mieux dormir en économisant de l'énergie, donc en ne la payant pas, c'est encore un élément du pouvoir d'achat.

Monsieur Jumel, dans les faits, le bouclier énergétique est un blocage des prix de l'électricité et du gaz – je ne sais pas comment l'appeler autrement puisqu'il consiste à bloquer le prix.

En ce qui concerne l'accompagnement des stocks de gaz, il existe un système permettant de sécuriser les énergéticiens qui vont prendre position pour accélérer les achats de gaz et remplir nos stocks stratégiques. Le taux de remplissage étant de 65 %, il faut continuer.

S'agissant enfin des maisons de retraite, ni le projet de loi relatif au pouvoir d'achat, ni le projet de loi de finances rectificative ne comportent de dispositif qui leur serait spécifiquement destiné, mais tout un effort d'accompagnement des collectivités locales a été fait. La TICFE (taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité), par exemple, représente 400 millions d'euros pour l'ensemble des collectivités ; ce montant ne couvre pas tout, mais il est significatif des efforts considérables de l'État vis-à-vis des ménages, des entreprises et des collectivités ainsi que des établissements publics qui dépendent d'elles.

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