Intervention de Caroline Abadie

Réunion du mercredi 23 novembre 2022 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Abadie, rapporteure :

Lors de la conférence des présidents du 3 novembre 2022, le président du groupe LIOT a indiqué faire usage pour cette proposition de résolution du « droit de tirage » que le deuxième alinéa de l'article 141 du règlement de l'Assemblée nationale reconnaît à chaque président de groupe d'opposition ou de groupe minoritaire une fois par session ordinaire.

En conséquence, conformément au second alinéa de l'article 140 du règlement, il revient à notre commission de vérifier si les conditions requises pour la création de la commission d'enquête sont réunies. Comme l'a rappelé M. le président, c'est sur la recevabilité, et non l'opportunité de la proposition que nous devons nous prononcer.

Trois conditions sont requises. En premier lieu, en application de l'article 137 de notre règlement, les propositions de résolution tendant à la création de commissions d'enquête « doivent déterminer avec précision les faits qui donnent lieu à enquête ». En l'occurrence, les faits semblent définis avec une précision suffisante puisque, selon l'article unique de la proposition de résolution, la commission d'enquête serait chargée « d'évaluer les conditions dans lesquelles un détenu, classé détenu particulièrement surveillé, incarcéré à la maison centrale d'Arles le 19 octobre 2019 et placé à l'isolement, a pu bénéficier d'un classement en détention ordinaire, chargé d'un poste d'auxiliaire rémunéré, d'une part, et ne pas être soumis aux étapes de détection de la radicalisation en milieu carcéral, compte tenu de ses antécédents, d'autre part. » Aux termes de la proposition, la commission d'enquête devrait aussi étudier la genèse et les conditions dans lesquelles le statut de détenu particulièrement signalé a été maintenu pour un autre détenu, à savoir Yvan Colonna. Le premier critère est donc rempli.

En second lieu, de telles propositions de résolution sont recevables sauf si, dans l'année qui précède leur discussion, a eu lieu une commission d'enquête ayant le même objet. Ce n'est pas le cas en l'espèce, même si la commission des lois a procédé à deux auditions à ce sujet en mars 2022 : celle de M. Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire, et celle de l'ancienne cheffe d'établissement de la maison centrale d'Arles et du chef d'établissement en fonction. La proposition de résolution remplit donc le deuxième critère de recevabilité.

Enfin, en application de l'article 139 du règlement de l'Assemblée nationale, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des Sceaux « fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». Le troisième alinéa du I de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit même que la mission d'une commission d'enquête déjà créée « prend fin dès l'ouverture d'une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d'enquêter ».

Interrogé par le président de l'Assemblée nationale, le Gouvernement lui a fait savoir, dans un courrier du 24 octobre 2022 signé par Mme la Première ministre, que le périmètre de la commission d'enquête envisagée « est susceptible de recouvrir pour partie [une] procédure judiciaire » en cours. En effet, « le parquet national antiterroriste a ouvert, le 6 mars 2022, une information judiciaire du chef de tentative d'assassinat en lien avec une entreprise terroriste, étendue par réquisitoire supplétif du 22 mars 2022 au chef d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste à la suite du décès d'Yvan Colonna ».

La commission devra donc veiller, au long de ses travaux, à ne pas faire porter ses investigations sur des questions relevant de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire. Seule l'enquête judiciaire peut éclaircir les motifs de l'agression, délimiter les responsabilités et d'éventuelles complicités. La commission d'enquête, si elle s'en tient à l'objet clairement défini que je vous l'ai lu à l'instant, ne portera donc pas sur des questions relevant de l'autorité judiciaire. Sous cette réserve, il apparaît que la création de cette commission d'enquête est juridiquement recevable.

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