Intervention de Guillaume Vuilletet

Réunion du mercredi 20 juillet 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Vuilletet, rapporteur :

L'ordonnance du 8 décembre 2021 apporte plusieurs modifications à la fonction publique des communes de la Polynésie française, de leurs groupements et de leurs établissements publics.

Il existe trois fonctions publiques en Polynésie française : la fonction publique de l'État, la fonction publique de la Polynésie française, aussi appelée fonction publique du Pays, et la fonction publique communale, qui est l'objet de la présente ordonnance.

La fonction publique communale est la plus récente. Son statut a été défini par l'ordonnance du 4 janvier 2005. Entrée en vigueur en 2012, elle a connu plusieurs modifications, dont la plus récente est l'ordonnance du 8 décembre 2021 qu'il vous est proposé de ratifier.

En tant que collectivité d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution, la Polynésie française est régie par le principe de spécialité législative. L'article 74-1 permet au Gouvernement d'étendre et d'adapter par ordonnances les dispositions de nature législative en vigueur en métropole. À la différence des ordonnances de l'article 38, celles de l'article 74-1 doivent impérativement être ratifiées par le Parlement dans les dix-huit mois suivant leur publication, sous peine de devenir caduques.

C'est sur ce fondement que l'ordonnance du 8 décembre 2021 a été prise. Elle était très attendue, tant par les agents publics que par les collectivités polynésiennes. Elle vise, d'une part, à répondre aux attentes exprimées en mai 2017 lors d'un important mouvement social qui a touché l'ensemble des communes de la Polynésie française, et d'autre part, à étendre au droit de la fonction publique de ces communes certaines des évolutions intervenues dans la fonction publique territoriale au cours des dernières années, notamment la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires et la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, tout en les adaptant.

Le statut de la fonction publique communale de la Polynésie française, bien qu'il soit récent, a déjà donné lieu à quelques ajustements, et il demeure pertinent. Je rappelle aussi qu'avant 2005, le cadre d'emploi au niveau communal relevait du droit privé.

L'ordonnance a fait l'objet d'une importante concertation. L'État a signé, en juin 2017, un protocole d'accord associant le syndicat des communes, les syndicats d'agents communaux, le centre de gestion et de formation (CGF) et le Conseil supérieur de la fonction publique de la Polynésie française. L'Assemblée de la Polynésie française a ensuite rendu un avis sur le projet d'ordonnance.

L'ordonnance que nous nous apprêtons à ratifier constitue l'aboutissement d'un long processus qui a débuté il y a près de cinq ans. On pourrait regretter, sur ce plan, que le Gouvernement ait retiré le projet de loi de l'ordre du jour à la fin de la précédente législature, ce qui a conduit à une attente de quelques mois supplémentaires.

L'apport de l'ordonnance est important, et à la hauteur des enjeux. Elle comprend quarante-cinq articles, qui modifient environ la moitié des articles du statut de 2005. Le texte a trois finalités principales : renforcer les droits et les garanties des agents publics et préciser les règles applicables en matière de déontologie ; moderniser les instances de dialogue social ; faciliter l'accès à la fonction publique des communes. Toutes ces dispositions sont présentées dans mon rapport.

J'en viens au projet de loi qui nous est soumis. Il comportait, lors de son dépôt, un article unique ratifiant l'ordonnance. Le Sénat a introduit vingt articles additionnels, qui portent sur l'ensemble du champ de l'ordonnance de 2021. Certaines de ces dispositions reviennent sur les apports de l'ordonnance, d'autres les adaptent, d'autres encore intègrent des sujets nouveaux.

Je salue le travail du Sénat – et de son rapporteur, Mathieu Darnaud – qui s'est prononcé en faveur de la ratification de l'ordonnance, tout en saisissant cette occasion pour tenter d'apporter des améliorations au statut des fonctionnaires des communes de la Polynésie française.

Certaines dispositions me paraissent intéressantes, et doivent être conservées. Je partage le point de vue des sénateurs sur plusieurs sujets : les règles du régime indemnitaire, aux articles 19 et 20, le télétravail, à l'article 22, ou encore l'extension des compétences des comités techniques paritaires, à l'article 10, que je vous proposerai d'approfondir.

D'autres dispositions me paraissent moins pertinentes pour des raisons techniques, même si j'en partage la philosophie, et je vous proposerai de les supprimer. Je pense notamment à l'ouverture de l'accès à l'ensemble des cadres d'emplois par la voie des examens professionnels, à l'article 2, et à la suppression des limites d'âge, à l'article 15.

D'autres dispositions introduites par le Sénat posent enfin des difficultés de fond. Je n'évoquerai que les plus importantes.

L'article 5, tout d'abord, restreint le champ de l'aide sociale que les communes de Polynésie peuvent apporter à leurs agents. Je vous proposerai de supprimer cette disposition. Il me semble préférable de laisser aux communes la liberté de déterminer, dans la limite de leurs moyens budgétaires, l'aide qu'elles veulent apporter.

Par ailleurs, le rétablissement des compétences des commissions administratives paritaires, prévu à l'article 10 du projet de loi, va à rebours de ce que nous avons décidé en 2019, lors de l'examen de la loi de transformation de la fonction publique. Il me paraît important d'étendre les dispositions de ce texte à la Polynésie. Nous pourrons aussi revenir, lorsque nous examinerons mon amendement, sur l'articulation entre les commissions administratives paritaires et les comités techniques paritaires.

J'en viens, s'agissant de l'article 16, au droit pour le fonctionnaire de bénéficier d'un congé avec traitement pour effectuer une période de service militaire ou d'activité dans la réserve. Cette possibilité doit être conservée, car elle constitue un acquis important qui contribue au maintien de nos capacités de résilience. Je reviendrai aussi, lors de l'examen des amendements, sur les réticences exprimées par les communes. Ces réticences ne sont pas illégitimes et méritent un travail complémentaire.

Je vous proposerai, enfin, de supprimer l'article 21 afin de rétablir la sanction de mise à la retraite d'office, dont la suppression par le Sénat est, à mes yeux, source de rigidité pour le prononcé des sanctions du quatrième groupe.

J'ai cherché, lors de mes travaux sur ce texte, les solutions les plus appropriées et les plus adaptées à la situation locale, sans dogmatisme. Cela signifie, parfois, aligner les règles applicables en Polynésie sur le droit commun de la fonction publique, mais cela peut aussi impliquer de maintenir des adaptations et des règles dérogatoires lorsque c'est pertinent. Tel est, après tout, le sens du principe de spécialité législative et de l'adaptation en ce qui concerne les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution.

La Polynésie française présente, en effet, des spécificités : elle compte quarante-huit communes, dont trente comprennent des communes associées. Ces communes se répartissent sur 118 îles, dont soixante-quatorze sont habitées, et couvrent une surface équivalente à celle de l'Union européenne.

J'ai pu m'entretenir, dans le cadre de mes travaux, avec plusieurs acteurs polynésiens, notamment la présidente du groupe Tapura huiraatira, majoritaire à l'Assemblée de la Polynésie française. Je souhaite remercier l'ensemble des personnes auditionnées pour leur disponibilité et les avis précieux qu'elles nous ont apportés.

Ce texte est issu, je l'ai dit, d'un processus long et dense de concertation, de travail en commun associant l'ensemble des acteurs polynésiens. Certains d'entre eux, d'ailleurs, ont pu changer au fil du temps, de sorte qu'entre le moment où un consensus est apparu et le moment où nous en discutons, les choses ont pu évoluer un peu, ce qui justifie, s'il en est besoin, le travail que nous faisons.

L'exercice est contraint, parce que les délais sont courts. L'examen du projet de loi en commission, en séance publique puis en commission mixte paritaire (CMP) doit permettre de continuer le travail pour aboutir à un texte respectant l'envie de consensus, qu'il faut saluer, de l'ensemble des acteurs.

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