Intervention de Didier Lemaire

Réunion du mercredi 23 novembre 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Lemaire :

C'est un fait : nous peinons à trouver une réponse judiciaire efficace contre les violences intrafamiliales, qui ont été mises en lumière assez récemment. Pourtant, depuis 2017 et surtout à la suite du Grenelle des violences conjugales, les politiques publiques en la matière sont très volontaristes : un budget important est consacré à ce sujet, les magistrats sont mieux formés à ces enjeux, les acteurs sont avertis et de nouveaux outils sont déployés, tels que le téléphone grave danger et le bracelet antirapprochement.

Mme la Première ministre a récemment missionné deux parlementaires, notre collègue Émilie Chandler et la sénatrice Dominique Vérien, pour dresser un bilan du traitement judiciaire des violences intrafamiliales et formuler des propositions concrètes d'amélioration. Cette mission a débuté en septembre 2022, un point d'étape est attendu en janvier 2023 et les conclusions définitives seront rendues en mars prochain.

Il n'en reste pas moins que les violences intrafamiliales connaissent une augmentation partout sur notre territoire et que la lutte contre celles-ci se heurte à de nombreuses difficultés : le rassemblement de preuves suffisantes pour permettre une condamnation est complexe, le délai d'audiencement est très long et les victimes se montrent réticentes à porter plainte.

Votre initiative, que je salue, s'inscrit dans la démarche que le Président de la République et le Gouvernement ont engagée depuis plus de cinq ans. Votre proposition de loi vise à créer un tribunal des violences intrafamiliales qui aurait à connaître des délits constitutifs d'une atteinte à l'intégrité de certaines personnes déterminées. Elle prévoit l'installation, dans le ressort de chacune des trente-six cours d'appel, d'un tribunal composé d'un juge aux violences intrafamiliales, président, et de deux assesseurs. Ces juridictions spécialisées, qui ont été évoquées par Emmanuel Macron durant sa campagne présidentielle pour mieux prendre en charge ce type de contentieux, existent déjà en Espagne, par exemple. Je me réjouis bien évidemment que vous vous soyez saisi de ce sujet.

Cependant, soit vous avez oublié que le contentieux des violences intrafamiliales est très éclaté, soit vous avez choisi de ne traiter que partiellement le sujet. En effet, le procureur peut saisir jusqu'à trois juges en matière pénale et deux juges en matière civile pour délivrer des ordonnances de protection ou prononcer des mesures d'assistance éducative. Vous avez fait le choix de ne retenir que le champ pénal et une partie du champ civil, sans inclure, par exemple, l'ensemble des mesures éducatives. Cela conduirait à une désorganisation des juridictions, à un éloignement de la réponse judiciaire ainsi qu'à une complexification de la procédure pour les victimes.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il me paraît plus sage d'attendre les conclusions de la mission menée par nos collègues parlementaires, qui permettront non seulement de faire un bilan du traitement judiciaire actuel de ce contentieux, mais également de formuler des propositions concrètes et adaptées. Entendez-moi bien, nous voulons évidemment continuer d'avancer sur ce sujet ; ce dernier est toutefois bien trop sérieux pour que l'on s'en saisisse via l'article unique d'une proposition de loi déposée dans le cadre d'une niche parlementaire dont on connaît les limites procédurales. Vous l'avez compris, le groupe Horizons et apparentés votera contre cette proposition de loi.

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