Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mercredi 23 novembre 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Il est des sujets sur lesquels nous devons faire front commun. Les violences commises au sein de la cellule familiale, en particulier les violences conjugales, sont un fléau qu'il nous faut évidemment combattre. La parole doit se libérer. La peur, la culpabilité, la honte, l'isolement et la sanction doivent changer de camp. Pour cela, il faut que la loi et la justice soient à la hauteur des enjeux, je crois que nous en convenons tous.

En dépit des efforts réalisés au cours des dernières années pour aider les victimes, les chiffres nous rappellent que ces violences sont toujours là. En 2020, hors homicides, les forces de sécurité ont enregistré près de 159 400 victimes de violences conjugales, essentiellement des femmes, ce qui représente une hausse de plus de 10 % en un an. Certes, depuis trente ans, les lois visant à lutter contre ces violences se sont multipliées, permettant quelques avancées essentielles, en particulier le déploiement de l'ordonnance de protection, délivrée par le juge aux affaires familiales. Nous tenons à saluer l'engagement du rapporteur, Aurélien Pradié, sur ce sujet : il était déjà à l'origine, en 2019, d'une proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille.

Les lois adoptées jusqu'à présent étaient essentiellement orientées vers une plus grande répression des infractions, sans qu'il y ait de réforme profonde, en parallèle, de l'organisation juridictionnelle. La présente proposition de loi pourrait pallier ce manque. Notre groupe soutient les objectifs du texte, qui vise à mettre en place une juridiction spécialisée dans les affaires de violence familiale, au sens large du terme. Le contentieux est actuellement éclaté entre plusieurs juges, ce qui nuit à l'efficacité de la réponse, allonge les délais et complexifie le parcours des justiciables. Créer un juge aux violences intrafamiliales, qui aurait une compétence élargie, sur le modèle du juge des enfants, est une solution ambitieuse qui pourrait nettement faciliter le parcours des victimes de violences.

Notre groupe attend toutefois des précisions du rapporteur, notamment quant à la coordination entre ce nouveau juge et les juridictions existantes. Le rapporteur est-il parvenu, notamment, à estimer le flux de dossiers qui irait chaque année vers ces nouvelles juridictions ? Nous avons, par ailleurs, deux réserves.

La première tient à la territorialisation insuffisante de ces juridictions. La proximité est pour nous la priorité, et le texte doit être amélioré sur ce point. Il prévoit, en effet, une juridiction spécialisée par ressort de cour d'appel – on en compte seulement trente-six dans l'Hexagone et l'outre-mer. Nous craignons que cela conduise à limiter ces juridictions aux grandes villes, ce qui constituerait une double peine pour les victimes dans les zones rurales et les territoires insulaires. Je crois comprendre, monsieur le rapporteur, que vous souhaitez revenir sur la question de la proximité. Pourriez-vous nous en dire davantage ?

Notre groupe est également réservé sur la possibilité de remplacer le juge spécialisé par un magistrat du siège du tribunal judiciaire en cas d'empêchement. Cela irait, selon nous, à l'encontre des objectifs de la proposition de loi.

Au-delà de ces réserves, nous soutiendrons majoritairement la démarche dans laquelle s'inscrit ce texte pour répondre aux fortes attentes des victimes.

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