Intervention de François Toujas

Réunion du mardi 22 novembre 2022 à 18h00
Commission des affaires sociales

François Toujas, président de l'Établissement français du sang :

S'agissant des besoins en personnel, l'EFS manque environ de trois cents personnes, essentiellement des médecins mais également et surtout des infirmiers et infirmières, qui se trouvent au cœur de notre réforme structurelle de la collecte, ainsi que des biologistes. Nous manquons également de chauffeurs de poids lourds comme d'autres secteurs. Le manque de personnel, égal à trois cents personnes, est donc élevé. Il explique un nombre important de déprogrammations car nous avons enregistré une hausse très forte du taux d'absentéisme, qui a même presque doublé dans certains secteurs. La collecte étant assurée par une équipe, elle doit être annulée dès qu'il manque un médecin ou une infirmière. C'est la raison pour laquelle nous avons enregistré une dégradation de la productivité liée à l'absentéisme.

Nous subissons en effet un phénomène d'absentéisme important, comme d'autres secteurs de l'économie, en lien avec les conséquences de la crise épidémiques, qui ne sont pas terminées. En outre l'absentéisme et le manque d'attractivité sont d'autant plus importants dans les grandes villes. La pénurie de personnel accroît donc les annulations et les déprogrammations. Je ne me souviens pas du nombre de collectes supprimées à l'échelon national mais je peux dire qu'il est très élevé. En région Sud, il équivalait à 15 000 dons.

Notre capacité maximale de collecte s'élève à ce jour à 43 000 à 44 000 dons par semaine. En 2019, elle était comprise entre 45 000 et 48 000. Le volume de plasma fourni par l'EFS au LFB, qui s'élevait à 900 000 litres de plasma en 2019, a également reculé parce que le manque de personnel nous contraint parfois à déprogrammer des collectes de plasma pour nous concentrer sur le sang total en tant qu'élément essentiel de la prise en charge, ce qui n'est pas sans poser difficulté pour les associations et les donneurs.

La construction budgétaire 2023 repose sur une hypothèse de coût de l'inflation de 30 millions d'euros, qui doit être confirmée par la direction du budget. En outre, ce montant déjà très élevé ne représente qu'une partie des moyens à trouver pour équilibrer le budget 2023. Nous faisons donc face à une situation budgétaire extrêmement difficile, sur laquelle nous continuerons d'échanger avec les pouvoirs publics en vue du conseil d'administration du 16 décembre. Pour équilibrer le budget 2022, nous devons financer 30 millions d'euros de coût de l'inflation, 30 millions d'euros de revalorisations salariales et 30 millions d'euros de baisse d'activité.

Au sujet du critère d'âge, je rappelle qu'en vertu de l'organisation mise en place par les pouvoirs publics après l'affaire du sang contaminé, les règles d'accès au don ne dépendent pas de l'établissement mais du ministre, sur la base d'un avis de l'ANSM. Une personne peut donner son sang à condition d'être en bonne santé, âgée de 18 à 70 ans et peser plus de 50 kilos. Une femme peut donner quatre fois par an et un homme six fois, tandis que le plasma peut être donné jusqu'à vingt-cinq fois par an et jusqu'à l'âge de 65 ans.

Il est parfois proposé de permettre le don du sang dès l'âge de 17 ans et d'étendre le don de plasma jusqu'à 70 ans. Permettre à des personnes mineures de donner leur sang suppose qu'elles soient accompagnées d'un parent alors que l'entretien pré-don porte sur les éventuelles conduites à risque. Par ailleurs, les personnes jeunes présentent un risque de malaise relativement élevé. Enfin, les médecins sont très réservés quant à l'extension de l'âge du don de plasma en raison de l'accroissement des risques cardio-vasculaires avec l'âge.

Le dialogue avec les tutelles est régulier, exigeant et constructif. Nous bénéficions d'une écoute très forte de la part de notre tutelle de métier, la direction générale de la santé. En revanche, les enjeux sont de nature financière. De mon point de vue, l'EFS ne manque pas aujourd'hui d'un plan d'économies mais de ressources.

La crise épidémiologique a eu des conséquences très fortes sur les associations, qui sont souvent animées par des personnes âgées, puisqu'il était recommandé aux personnes de plus de 70 ans de rester à domicile. Dès lors, certaines associations se sont trouvées dans l'incapacité de nous fournir des bénévoles, ce qui explique la baisse de la mobilisation. Par ailleurs, l'existence des associations de donneurs des petits villages dépend souvent directement la collecte. Ces associations cessent leur activité lorsque la collecte disparaît.

Par conséquent, le maintien des collectes est essentiel pour la subsistance des associations locales, qui ont du mal à comprendre que nous soyons obligés de supprimer des collectes pour des raisons de manque de personnel, qui en sont très mécontentes et qui parfois se dissolvent. Nous avons donc engagé une réflexion avec la Fédération française pour le don du sang bénévole afin de préserver l'engagement des associations et des bénévoles, sans lesquelles nous ne pouvons assurer la collecte. Nous avons également mis en place une charte des partenaires, qui engage l'EFS et les associations à entretenir des relations de qualité.

La revalorisation salariale ne constitue pas le seul sujet d'attractivité. Nous sommes également confrontés à un enjeu de qualité de vie au travail et avons ouvert un chantier sur la conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle. Le problème est que les absences de dernière minute nous obligent à réorganiser l'activité, parfois au détriment des personnes.

Les MTI constituent un enjeu essentiel car ils représentent l'avenir de l'immunothérapie et de la médecine régénératrice. Nous étudions notamment la possibilité de reconstruire un muscle cardiaque à partir de cellules souches ou une partie de l'œil. C'est une fierté pour nous, en tant qu'organisme public, de participer à cet investissement dans la recherche fondamentale. Notre plateforme de Besançon produira bientôt une CAR-T. L'EFS est par ailleurs un acteur essentiel de la bioproduction en France, alors que notre pays s'inscrit en retard sur ce sujet. L'enjeu des modèles économiques est tel que nous ne pourrons maintenir cet effort sans un financement particulier des bioproductions.

Les repas consécutifs aux collectes jouent effectivement un rôle important. Néanmoins, au regard de la situation économique de l'établissement, ils ne font pas partie de nos priorités. Je reconnais néanmoins que plus la collecte est conviviale et plus elle est efficace. Pour des raisons de santé publique, la consommation d'alcool est officiellement interdite sur les collectes de sang depuis 2011. L'EFS porte une responsabilité de financement du monde associatif. Il finance la fédération, les associations et les repas à hauteur d'environ 3 millions d'euros par an, ce qui n'est pas négligeable.

L'EFS n'est pas un opérateur du marché puisqu'il détient un monopole. En revanche, le plasma qu'il fournit au LFB sert à la production de médicaments. Il le lui cède au prix de 120 euros par litre, contre un prix de 205 dollars aux États-Unis et de 160 euros ailleurs en Europe. Le prix de cession de l'EFS est donc bien inférieur aux cours mondiaux.

Nous entretenons des relations très proches et intelligentes avec le LFB, qui est lui-même soumis à des contraintes économiques même s'il a bénéficié d'une forte aide pour la construction de l'usine d'Arras. L'enjeu porte sur la définition du point d'équilibre qui permettra à l'EFS d'accroître la collecte de plasma pour fractionnement sans dégrader ses comptes, sachant que cette activité est à ce jour déficitaire, tout en répondant aux besoins du LFB liés à la mise en service de l'usine d'Arras. Nous pouvons supporter un déficit sur cette activité mais pas au niveau actuel.

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