Intervention de Jean-Bernard Lévy

Réunion du mercredi 14 décembre 2022 à 17h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Jean-Bernard Lévy, ancien président-directeur général d'EDF :

Il y a dans vos questions, madame la députée, beaucoup d'informations dont j'ignore les sources…

Le chauffage électrique est, pour tous ceux qui sont attentifs à la décarbonation, un atout majeur pour notre pays. La chaleur renouvelable, c'est très bien, mais quelles sont les perspectives dans ce domaine ? Les volumes concernés sont extrêmement modestes. Ce n'est donc pas dans cette voie qu'EDF s'orientait quand j'étais à sa tête. Nous essayions de répondre à la demande de l'Ademe de limiter l'utilisation de combustibles fossiles mais chacun voyait bien les contraintes qui pouvaient s'exercer en particulier sur la biomasse ou sur la récupération de chaleur issue de déchets. Vu la ressource disponible, il n'y avait pas de doute qu'il fallait beaucoup de chauffage électrique. Nous avons donc milité avec succès pour mettre fin à la réglementation de 2012 qui donnait une priorité au chauffage au gaz et qui détruisait de ce fait une grande partie de l'écosensibilité de la planète.

Je pense par conséquent que le fait que nous puissions utiliser beaucoup d'électricité décarbonée pour nous chauffer est clairement un avantage, et non une fragilité. Nous pourrions sûrement améliorer encore son utilisation : j'ai pris connaissance d'une étude récente qui montre qu'une très grande majorité non seulement des logements individuels mais aussi des bâtiments collectifs ne disposent pas de système d'optimisation du chauffage. Il me semble que la voie à explorer est plutôt celle de l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments. Les équipes d'EDF travaillent étroitement avec le secteur du bâtiment sur le sujet.

Pour ce qui concerne les énergies renouvelables, il convient de distinguer la situation en France et hors de France.

La France représente moins de 1 % de ce qui se construit chaque année en matière d'éolien et de solaire. L'objectif d'EDF étant de disposer de 30 % de parts de marché en France, il est impossible que nous soyons compétitifs dans ces conditions. J'aurais donc aimé que nous disposions de plus de moyens pour construire des installations d'énergie renouvelable en dehors de France et être plus compétitifs.

Nous avons en revanche disposé des moyens nécessaires pour répondre aux appels d'offres en France. Pour ce qui concerne l'éolien en mer, qui est peut-être la technologie la plus prometteuse, EDF a gagné quatre des sept appels d'offres qui ont été attribués. Nous avons essayé d'affecter le maximum des ressources tant humaines que financières dont nous disposions pour réaliser des installations d'énergie renouvelable en France, mais il nous en a manqué pour en réaliser à l'étranger, ce qui nous aurait rendus encore plus compétitifs.

Y a-t-il eu un arbitrage entre le nucléaire et les énergies renouvelables ? Oui et non : quand il s'agit de maintenir en état le parc nucléaire existant ou de terminer le chantier de Flamanville, on ne peut pas vraiment parler d'arbitrage. Néanmoins, il est évident que la décision prise par le conseil d'administration d'EDF au sujet d'Hinkley Point est une décision de politique industrielle et énergétique, qui correspond au fait que les majorités successivement élues par le peuple français ont toutes confirmé la nécessité de poursuivre le nucléaire. Hinkley Point était à mes yeux la démonstration que nous n'étions pas isolés, et que d'autres pays d'Europe, et pas seulement d'Europe de l'Est, étaient prêts à s'associer au projet industriel nucléaire. Cela a été confirmé par le projet de Sizewell.

Je ne comprends pas en revanche ce qui vous conduit à parler de « passage en force » : le conseil d'administration vote à la majorité de ses membres. Certes, le directeur financier a démissionné, mais quinze jours après il avait pris un poste dans une banque. Chacun jugera s'il a démissionné parce qu'il n'était pas d'accord avec la décision prise ou parce qu'il avait trouvé un meilleur travail… Il est libre de dire ce qu'il veut – il s'est d'ailleurs exprimé devant la représentation nationale à l'époque.

Je n'ai pour ma part aucune connaissance de conflits d'intérêts. Pourriez-vous m'indiquer quelle décision de justice en fait mention ? Je parle bien d'une décision de justice, non d'un article de presse. Si une telle décision existait, alors la décision du conseil d'administration aurait été automatiquement annulée.

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