Intervention de Antoine Pellion

Réunion du mercredi 18 janvier 2023 à 17h30
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Antoine Pellion, Secrétaire Général à la Planification Écologique, Conseiller Énergie-transports à l'Élysée (2017-2019), Conseiller technique Énergie au ministère de l'Écologie (2014-2016) :

Nous avons à l'époque des capacités d'export déjà importantes, avec des marges supplémentaires. La mise en œuvre de ces 50 % repose donc sur deux éléments. Le premier est la possibilité d'augmenter rapidement les énergies renouvelables, pour parvenir à parité en volumes entre la production nucléaire et la production renouvelable. La production hydroélectrique étant comptée dans cette dernière, la France ne partait pas de zéro. Le second élément est notre capacité d'export : des besoins de consommation d'énergie se font alors sentir dans les autres pays européens. Les hypothèses mises sur la table font apparaître des volumes d'export très importants. Dans tous les cas, les analyses menées montrent que cette décision ne remet pas en cause les critères de sécurité d'approvisionnement.

S'agissant de la fermeture de réacteurs, deux sujets différents se posent : d'une part, le vieillissement du parc existant et d'autre part, la durée de vie du parc nucléaire. Les expressions publiques sont toujours ambiguës sur les raisons de l'arrêt des réacteurs : sont-ils arrêtés parce qu'ils parviennent en fin de vie ou parce qu'une décision externe a imposé qu'ils le soient, compte tenu d'autres paramètres sans rapport ?

En 2014-2015, les scénarios n'embarquent pas de décision sur la possibilité de prolonger de façon générique les réacteurs existants au-delà de quarante ans. A ce jour, nous n'avons pas de certitude sur les durées de vie au-delà de cinquante ou soixante ans. Je pense à titre personnel qu'il est important de prolonger les centrales le plus longtemps possible, tant que les critères de sûreté restent respectés, parce que ce sont des actifs importants, à la fois décarbonés et compétitifs.

Les scénarios sous-jacents comportent d'ailleurs des hypothèses implicites sur le nombre de centrales à fermer à quarante ans ou cinquante ans. Nous sommes donc partis à l'époque de la possibilité d'en prolonger au moins certaines jusqu'à cinquante ans. Les scénarios d'évolution du parc dépendent étroitement de l'hypothèse retenue sur la durée de vie des réacteurs existants.

Il appartient aussi au politique et à ses conseillers d'essayer d'anticiper les situations où nous ne serions pas capables de prolonger les réacteurs au-delà de quarante ans, ou uniquement certains. Dès lors, il est absolument indispensable d'envisager les voies et moyens alternatifs de production d'électricité pour sécuriser l'approvisionnement.

Or, il existe à l'époque un impensé assez fort chez les acteurs du système électrique, qui est de dire : cette situation ne peut pas exister. On refuse donc d'étudier en profondeur les solutions alternatives au cas où il faudrait fermer le parc, pour partie à quarante ans et pour partie à cinquante ans, pour des motifs de sûreté. L'expérience de la corrosion sous contrainte montre que des incidents non planifiés dus au vieillissement ne sont pas improbables. Il faut donc se préparer à ce que pourrait être une alternative, au cas où.

Enfin, le dimensionnement du système électrique est aussi un optimum économique. Surdimensionner le réseau amènerait le consommateur à payer très cher sa facture d'électricité. Il faut donc en permanence trouver un équilibre, c'est-à-dire une taille du parc de production qui permette de sécuriser la production, tout en étant acceptable et soutenable pour l'ensemble des consommateurs. On ne peut se permettre d'avoir deux parcs de production, au cas où l'un d'entre eux tombe en panne pour une raison inconnue et prolongée.

Tous ces éléments doivent être pris en compte. Les scénarios sur les dix ou quatorze réacteurs nucléaires correspondent dans la quasi-totalité des cas à des hypothèses sur la durée de vie des réacteurs. Ce point me paraissait important à partager avec votre commission. Cela n'implique pas une fermeture administrative : la seule base légale pour une telle décision est le plafonnement à 63,2 GW, qui s'est appliqué à deux tranches de 900 MW.

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