Intervention de Bernard Doroszczuk

Réunion du mardi 24 janvier 2023 à 16h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire :

Ces deux sujets méritent d'être abordés en profondeur pour bien comprendre le mécanisme de définition des exigences et leur impact sur les projets.

Depuis ma prise de fonction, j'ai souvent entendu dire que les évolutions réglementaires en cours de projet avaient conduit à des difficultés lors de sa réalisation. Je pense notamment à l'arrêté de 2005 relatif aux équipements nucléaires sous pression. Mais celui-ci, pris après le démarrage du projet, n'est pas le fait d'une initiative de l'ASN, il résulte de la transposition d'une directive européenne.

Cet arrêté prévoyait une période de mise en œuvre de dix ans, jugée à l'époque suffisante pour achever les projets établis sur l'ancienne réglementation de 1974. Les industriels français ont quant à eux décider de l'appliquer immédiatement. Cette réglementation est fondée sur le principe dit de la « nouvelle approche » : les exigences sont définies de manière très générale ̶ comme des objectifs à atteindre et les moyens d'y parvenir ̶ par les codes et les industriels eux-mêmes.

L'exigence portait donc sur la qualification technique des procédés utilisés. Le temps a passé et les industriels français ont éprouvé des difficultés pour justifier la qualification technique, en premier lieu de la cuve de l'EPR. Areva a ainsi pris du temps pour aboutir à une telle qualification technique, dont les résultats ont mis en évidence un risque de concentration carbone excessif au fond et dans le couvercle de la cuve. En effet, le procédé utilisé pour l'EPR différait de celui employé auparavant dans tous les autres réacteurs. Il y avait là un sujet industriel mais l'application de la réglementation a donc permis de découvrir cette ségrégation carbone. En résumé, la mise en application de l'arrêté de 2005 n'est pas à l'origine des retards, qui sont plutôt liés à un manque de rigueur industriel.

Ensuite, un consensus européen et international recommande de viser le niveau de sûreté le plus récent à l'occasion du réexamen périodique. Cette décision figure à la fois dans la directive Euratom et dans la déclaration de Vienne de l'AIEA. Nous l'appliquons et les autres autorités de sûreté en font plus ou moins de même, en fonction du contexte local. Quoi qu'il en soit, nous ne sommes pas les seuls à adopter cette position.

Le quatrième réexamen de sûreté des réacteurs représentait une échéance emblématique, puisque les réacteurs d'EDF avaient été conçus pour une durée d'exploitation de quarante ans. À l'approche de cette échéance, une quatrième visite décennale étant programmée pour 2018, un débat s'est instauré entre EDF et l'ASN. Le président de l'ASN de l'époque a ainsi écrit à EDF en juin 2010 pour indiquer qu'il ne lui paraissait pas judicieux d'avoir deux niveaux de sûreté sur le parc nucléaire français, alors que l'EPR était en construction. Personnellement, je pense que cette décision était sage, notamment à la lumière des débats actuels sur la prolongation de fonctionnement des réacteurs sur un horizon de soixante ans, voire au-delà.

Cette décision est également le résultat d'une acceptation par le public d'un passage au-delà de quarante ans. N'oublions pas que l'accident de Fukushima a eu lieu en 2011, bien avant le réexamen de 2018.

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