Intervention de Bernard Doroszczuk

Réunion du mardi 24 janvier 2023 à 16h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire :

Les éléments fournis par EDF à ce stade ne justifient la poursuite d'exploitation des réacteurs les plus anciens que jusqu'à cinquante ans. Nous ne disposons donc pas de visibilité au-delà de cette période pour le moment et c'est pourquoi nous souhaitons en avoir.

Dans son scénario le plus nucléarisé, RTE postule une durée d'exploitation de soixante ans pour la majorité des réacteurs, voire au-delà pour certains d'entre eux. Nous considérons que rien ne justifie ce scénario : nous ne voulons pas que la politique énergétique soit fondée sur des hypothèses structurantes qui ne soient pas étayées ou vérifiées. Il ne faudrait pas que la poursuite d'exploitation des réacteurs nucléaires soit la variable d'ajustement d'une politique énergétique qui aurait été mal calibrée. En résumé, il importe d'anticiper, sur la base d'argumentations solides, que nous pouvons instruire. Nous souhaitons que ceci soit inscrit dans les obligations de l'exploitant, dans le cadre de la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

Ensuite, nous avions effectivement pointé du doigt dans notre rapport les défaillances dans la rigueur de conception, la fabrication et le contrôle. Le rapport de Jean-Martin Folz indique ainsi clairement que le lancement du projet EPR de Flamanville a eu lieu alors que les études de conception détaillées n'étaient pas encore achevées. La perte de compétences, d'expérience et de rigueur explique également la mise en œuvre de procédés industriels sans qualification préalable et sans métier. Enfin, la détection n'a pas été réalisée comme elle aurait dû l'être.

A contrario, dans le cadre de leur projet d'EPR, les Finlandais ont découvert des problèmes sur les soudures de traversées enceintes, à peu près au même stade où se trouvait la construction du réacteur de Flamanville : le reste des circuits n'avait pas été installé ou connecté. Ils ont immédiatement pris le parti de la remplacer et ont pu gérer le problème en neuf mois.

En résumé, des défaillances ont eu lieu en termes de conduite de projet, de qualité et de rigueur de fabrication, de contrôle et de décision. Le pari de la justification a posteriori est un pari hasardeux, qui ne doit pas être pris lorsque l'on construit du nucléaire. Il me semble que les retours d'expérience ont désormais été réalisés pour agir de manière très différente pour la conception de l'EPR 2.

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