Intervention de Christophe Pallez

Réunion du mercredi 25 janvier 2023 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christophe Pallez :

Je vous remercie pour les appréciations que vous avez portées sur mon parcours. Je remercie également les commissaires pour leur présence et Mme la présidente de l'Assemblée nationale pour sa proposition de nomination.

Cette audition, en effet, a pour moi une saveur toute particulière, puisqu'il y a plus de trente ans, j'ai été affecté à la commission des lois en tant qu'administrateur. J'y ai passé de très belles années, en travaillant notamment sur les questions de sécurité et le droit de l'informatique. Mais je n'aurais pas imaginé y être entendu un jour !

Pendant de nombreuses années, j'ai en effet travaillé aux côtés des députés, à la commission des lois, mais aussi en tant que chef de secrétariat de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. J'ai ensuite été mis à la disposition de la Cnil pour y assurer la fonction de secrétaire général. Cette mobilité s'est révélée très fructueuse, car elle m'a permis de découvrir le fonctionnement d'une autorité administrative indépendante, dont le collège a une composition semblable à celui de la HATVP, à l'exception notable de l'absence de parlementaires. J'ai été particulièrement sensibilisé à la question des sanctions qu'une autorité indépendante peut prendre – ce n'est certes pas l'alpha et l'oméga de son travail, mais c'est un attribut important – car j'ai été appelé à appliquer administrativement la loi de 2004 modifiant la loi informatique et libertés et dotant la Cnil d'un pouvoir de sanction.

Lorsque je suis revenu à l'Assemblée nationale, j'ai repris ma carrière « législative » comme chef du secrétariat de la tentaculaire commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'époque, puis j'ai été directeur de la bibliothèque et, ensuite, du service de la séance. À partir de 2013, ma carrière a pris un tour un peu différent, puisque j'ai quitté le versant législatif de l'administration parlementaire pour rejoindre celui de l'« intendance », au sens gaullien du terme, celui des services dits administratifs, dont j'ai d'abord été directeur général avant d'être, pendant six ans, secrétaire général de la Questure. Je salue à ce propos le questeur Éric Ciotti, avec qui j'ai travaillé étroitement.

Chaque semaine, j'ai présenté aux questeurs les dossiers soumis à leurs décisions, qui sont d'une grande variété puisqu'ils vont de l'attribution d'un marché de plusieurs millions d'euros à la fixation des horaires de la buvette parlementaire. Cette fonction, passionnante, embrasse tous les domaines de la gestion de ce que j'ose appeler « notre belle maison » : budgets, bâtiments, régime social, informatique, ressources humaines, logistique… La mission fondamentale des questeurs et des services qui les assistent consiste à mettre à la disposition des députés les moyens matériels leur permettant d'exercer leur mandat dans de bonnes conditions. Comment, dans quelles limites et pour quels usages ? Ces questions relèvent certes de la gestion financière et de l'organisation administrative, mais aussi de la déontologie, car il importe de s'assurer que ces moyens servent exclusivement le mandat parlementaire.

La création, en 2017, de l'avance de frais de mandat (AFM), en remplacement de l'indemnité représentative de frais de mandat, a été un changement considérable, puisque les règles de son utilisation ont été précisément définies et que les dépenses ont été soumises au contrôle indépendant du déontologue. J'ai été étroitement associé à l'organisation de cet encadrement, opéré par les questeurs et le bureau de l'Assemblée nationale, de même qu'à l'installation du déontologue, qui est doté de pouvoirs de contrôle et assisté par une équipe de contrôleurs. C'est pourquoi, alors que je devais prendre ma retraite, j'ai accepté avec enthousiasme la proposition du président Richard Ferrand de devenir déontologue de l'Assemblée nationale pour achever le mandat de cinq ans que ma prédécesseure avait choisi d'interrompre pour des raisons personnelles.

Ce mandat est donc arrivé à expiration le 31 décembre dernier, en application de deux règles très sages du règlement de l'Assemblée nationale : le mandat n'est pas reconductible, et arrive à son terme six mois après le début d'une législature. J'ai pu ainsi participer à l'accueil et à l'information des nouveaux députés sur les questions déontologiques ainsi qu'à l'opération, à mes yeux très importante, de restitution du solde non utilisé de l'AFM en fin de mandat pour les députés de la XVe législature.

À la question écrite sur les enseignements que j'ai tirés de mes fonctions de déontologue, j'ai d'abord répondu avec un diagnostic général : à mon sens, les élus se sont très bien approprié les règles déontologiques ; le « réflexe déontologique », qui consiste à s'interroger avant de prendre certaines décisions, est bien ancré. Mon expérience de déontologue m'a apporté des éléments d'appréciation subjectifs et objectifs pour étayer ce constat. J'ai aussi acquis la certitude de la nécessité du contrôle, à côté du conseil et de la pédagogie.

Même si le contrôle des frais de mandat mobilise 80 % de l'équipe de fonctionnaires qui travaille aux côtés du déontologue, la part relevant du conseil n'en demeure pas moins très importante, particulièrement en ce début de législature puisqu'en six mois, j'ai répondu par courrier à 850 interrogations et eu 143 entretiens avec des députés.

Les missions du déontologue portent également sur la prévention des conflits d'intérêts, leur traitement, la surveillance des représentants d'intérêts à l'Assemblée nationale, la déclaration des emplois familiaux, la transmission des attestations fiscales en début de mandat, les imputations de harcèlement moral et sexuel concernant les députés et leurs collaborateurs, et enfin sur la déontologie des fonctionnaires et contractuels de l'Assemblée.

Comme je l'ai déjà écrit, ces dernières missions ne recouvrent pas de très nombreuses situations. Je suis intervenu rarement, mais dans des cas souvent très délicats.

Si votre commission y consent, je vois ma nomination à la Haute Autorité comme un prolongement de mes fonctions de déontologue et une manière de poursuivre une activité qui s'est révélée encore plus passionnante que je ne l'avais imaginée, même si je suis conscient des différences, sensibles, entre les deux activités, en particulier s'agissant du périmètre des compétences et du caractère collégial du fonctionnement de la Haute Autorité.

J'ajoute que ma fonction de déontologue m'a permis de connaître le travail de la Haute Autorité, puisqu'il y a une forme d'articulation entre les deux organismes.

À la demande du rapporteur, je me suis permis de porter des appréciations sur certains éléments du fonctionnement de la Haute Autorité dans les grands domaines qui sont les siens : la prévention des conflits d'intérêts, la mobilité privé-public et la régulation des représentants d'intérêts. Elles reposent sur les constats que j'ai pu faire et sur ceux que la Haute Autorité, dans ses rapports, et son président Didier Migaud, dans ses interventions publiques, ont établis. J'en retiens la forte légitimité acquise par la Haute Autorité sur la question de la confiance ou plutôt, malheureusement, de la défiance que nos concitoyens éprouvent à l'endroit des responsables publics.

Pour assurer la transparence de la décision publique et garantir la probité des acteurs publics, la Haute Autorité est incontournable, même s'il reste beaucoup à faire, en particulier lorsque j'observe les ratios entre le nombre de personnes assujetties à un contrôle et le nombre ou la profondeur des contrôles. Quelques insuffisances sont notables, en raison notamment des moyens dont elle dispose.

La perspective de rejoindre une institution qui, après dix ans de fonctionnement et de transformations, a acquis une incontestable crédibilité, mais qui a encore du chemin à faire, me paraît donc exaltante.

Le signalement n'est pas le mode opératoire principal de la Haute Autorité, me semble-t-il. Des signalements sont réalisés, notamment sur des infractions formelles, mais ils sont assez inefficaces, comme la Haute Autorité le constate elle-même. Ceux qui concernent des affaires plus graves sont heureusement plus rares et constituent une « arme suprême ». Ils montrent à la fois que les infractions caractérisées sont peu nombreuses et que l'étendue des contrôles doit être encore élargie.

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