Intervention de Christophe Pallez

Réunion du mercredi 25 janvier 2023 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christophe Pallez :

J'en conviens, monsieur le président, la fuite en avant en matière de transparence est préoccupante. Je garde de mon passage à la Cnil un attachement au droit à une certaine opacité. La transparence a des limites. L'équilibre actuel me semble satisfaisant. Il faut assurer l'effectivité de ce qui est prévu avant de vouloir imposer de nouvelles normes en matière de transparence.

Je ne pense pas nécessaire de doter la HATVP d'attributions supplémentaires. Il existe des points à corriger dans la législation, la Haute Autorité les souligne dans ses rapports : ainsi certaines catégories d'élus, telles que les maires d'arrondissement, devraient-elles être soumises au régime de la déclaration. Une grande réforme ne me semble néanmoins pas s'imposer. Il faut certes améliorer l'effectivité de la loi, mais aussi convaincre que le système fonctionne, que les élus font l'objet d'un contrôle étroit et sont assez exemplaires en comparaison d'autres pays.

En ce qui concerne le conflit d'intérêts dont je pourrais être l'objet, les choses sont très claires : le déport serait obligatoire sur les dossiers des députés en exercice ou qui l'étaient dans les trois années précédant mon éventuelle désignation. Cela relève de l'initiative du membre du collège concerné, mais d'après les informations dont je dispose, la Haute Autorité est très attentive à être exemplaire dans ce domaine.

Mais si je dois éviter les dossiers des parlementaires, peut-être peut-on s'interroger sur l'utilité de mes connaissances pour la Haute Autorité ? Celle-ci a toutefois à connaître non seulement des dossiers individuels des parlementaires, mais aussi des relations avec le Parlement et les élus, domaine dans lequel j'espère pouvoir faire valoir mon expérience.

Monsieur Pont, il est vrai que la Haute Autorité dispose de très nombreuses informations sur les députés. Toutefois, je l'ai dit, la transparence a ses limites. J'ai eu à réfléchir sur la publication des frais de mandat que certains réclament : je n'en vois pas la nécessité. Le contrôle institué au sein de l'Assemblée nationale constitue, à mes yeux, une garantie suffisante.

Je partage le constat de la méfiance à l'égard des élus. Les efforts de communication de la HATVP, pourtant importants, ne suffiront jamais à la dissiper. J'ai été frappé par la déclaration récente de la présidente du Parlement européen, selon laquelle en une journée avaient été ruinés dix ans de travail pour asseoir la légitimité de l'institution. C'est vrai, je l'ai observé au cours de ma carrière, il peut suffire d'un cas pour que tous les efforts soient réduits à néant. Cependant, je ne suis pas pessimiste : je pense que le travail mené en matière de déontologie et de transparence de la vie publique non seulement est indispensable – en cas de crise, il faut pouvoir prouver la réalité des contrôles – mais finit par porter ses fruits. Les causes de la défiance sont multiples, et la déontologie n'est qu'une réponse parmi d'autres.

Je n'ai pas suggéré de transformer la HATVP en autorité de la probité. La proposition émane d'un rapport d'information de MM. Raphaël Gauvain et Olivier Marleix. Elle demande réflexion. La Haute Autorité n'a pas vocation à traiter toutes les questions de corruption, qui relèvent avant tout de l'autorité judiciaire. En revanche, il faut sans doute améliorer l'articulation avec l'Agence française anticorruption.

La question des cabinets privés m'embarrasse, je ne le cache pas. Le débat est en cours : le Sénat a adopté une proposition de loi sur laquelle vous serez peut-être appelés à vous prononcer prochainement. Le Gouvernement défend une position différente. J'arguerai de mon devoir de réserve pour ne pas prendre parti dans un débat parlementaire. Il me semble que le travail de la Haute Autorité doit rester centré sur les responsables publics, en particulier en matière de déclaration. Les cabinets de conseil sont déjà dans la juridiction de la HATVP au titre des actions des représentants d'intérêt, mais de manière pas toujours satisfaisante. Il convient d'être prudent en la matière.

Les élus locaux sont l'un des points faibles du dispositif. C'est pour eux que l'information est la plus difficile à recevoir et à assimiler, car les règles sont complexes dans tous les domaines, y compris celui qui a récemment émergé de l'action des représentants d'intérêts auprès des collectivités. S'agissant des déclarations, la Haute Autorité est très accessible et disponible pour conseiller les élus – pourtant, cela ne suffit pas. Et les mobilités sont une autre source d'incertitudes et de difficultés pour les collectivités.

Je crois beaucoup au maillage qui est en train de se créer avec des référents déontologues qui jouent un rôle de plus en plus important au sein des administrations et des centres de gestion. Ils sont appelés à devenir le pivot de la déontologie au niveau local, à condition qu'ils soient eux-mêmes bien formés. La Haute Autorité a une responsabilité en la matière. Elle doit jouer un rôle de tête de réseau et d'appui des référents, rôle qui demande toutefois à être précisé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion