Intervention de Lionel Jospin

Réunion du mardi 31 janvier 2023 à 16h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Lionel Jospin, ancien Premier ministre :

Dans le domaine de la science, je suis prêt à vous entendre. Superphénix était à la fois un prototype de recherche et à visée industrielle, dont le coût était considérable. S'il avait été uniquement dans le champ de la recherche, les recherches auraient été poursuivies comme elles le sont avec ITER sur la fusion. Nous ne savons pas si ITER aboutira en 2035 ou en 2045. De nombreux pays acceptent de dépenser des sommes importantes dans une technologie future et dans une recherche qui est d'abord fondamentale.

Superphénix était une centrale et non seulement un prototype de laboratoire. Les coûts financiers pour EDF étaient considérables et ce prototype n'a pas été pensé avec les industriels, tout en devenant une centrale qui avait des objectifs industriels.

J'ajoute que vos critiques seraient plus recevables si cette filière avait prospéré dans d'autres pays. Vous dites que les États-Unis et le Japon ont arrêté leurs propres recherches à cause de la décision française mais les États-Unis disposaient de tous moyens pour développer cette technologie. Tous ceux qui m'ont conseillé sur ces questions m'ont assuré que les recherches dans le domaine du nucléaire ne portaient pas sur cette filière. Quant à la Russie et à la Chine, nous ne savons pas dans quelles conditions ils ont développé leur propre surgénérateur car ce sont des régimes opaques. Par ailleurs, un grand expert, que j'ai rencontré il y a peu de temps, m'a dit que les Russes travaillaient sur toutes les filières et qu'ils n'étaient pas passés à l'échelon industriel pour le surgénérateur, ce qui le faisait douter des résultats de cette technologie.

Je considère donc que les fondements sur lesquels nous avons pris notre décision sont aujourd'hui toujours valides.

Je n'ai à aucun moment regretté l'abandon d'Astrid, j'ai dit qu'Astrid, relancé en 2010 avait été abandonné mais je n'ai émis aucun commentaire sur ce sujet. Je le voyais comme un argument à l'appui de ma thèse.

À propos de la négociation avec les Verts, vous avez levé une ambiguïté. Si je n'ai pas participé aux discussions qui ont été conduites par Pierre Moscovici, j'ai été pleinement associé au résultat et je l'ai approuvé. Je n'ai pas à vous rappeler ce que sont les discussions politiques qui ont porté sur l'énergie, les 35 heures, les sièges, etc. et nous avons soumis aux Français un ensemble de propositions.

Vous avez dit que Superphénix n'était pas au cœur des préoccupations des Français. C'est vrai et ce sujet n'était pas non plus au cœur de nos propres préoccupations au moment de la négociation de l'accord politique.

Sur le démantèlement d'Alstom, je me tourne vers le président et vers le rapporteur. C'est la première fois que je suis interrogé par une Commission d'enquête mais si vous voulez poser des questions techniques à d'anciens Premiers Ministres ou Présidents de la République, je vous invite à les transmettre au préalable pour obtenir des réponses précises, sauf si ces questions ont pour objectif de les embarrasser.

Je ne suis pas un technicien du nucléaire, je n'ai pas été ministre de l'Industrie, je n'ai pas été formé à l'École des Mines. J'ai gouverné un pays pendant cinq ans, de façon relativement efficace et en tout cas honorable. J'ai eu à rendre des arbitrages, j'ai beaucoup travaillé avec mes très bonnes équipes, je me suis imprégné de beaucoup d'éléments mais je ne suis pas en mesure de répondre plus de vingt ans après de façon précise à une question technique, sauf si elle m'a été soumise à l'avance.

Je suis aussi un de vos pairs, c'est-à-dire un ancien homme politique, un ancien élu du peuple et un ancien responsable d'État. Sur ce terrain, j'ai un certain nombre de choses à dire et mon objectif est de vous éclairer sur les motifs de nos choix et sur les actions que nous avons menées.

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