Intervention de Manuel Valls

Réunion du jeudi 2 février 2023 à 9h30
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Manuel Valls, ancien Premier ministre :

Je réfute l'idée que nos choix auraient visé ou suscité un affaiblissement de la filière nucléaire. Notre volonté était au contraire de la renforcer, et toutes mes déclarations – mais aussi nos actes – l'attestent. En ce qui concerne Areva, l'idée était bien de sauver l'un des fleurons de notre industrie. Cela s'est traduit notamment, dans la douleur, par des pertes d'emplois. Quant au choix de Fessenheim, il est politique, mais aussi basé sur le fait que la centrale était parmi les plus anciennes. Elle disposait de réacteurs en bon état comme l'ASN l'avait réaffirmé. Je ne répondrai pas à la question de savoir si je le referai ou pas. Je ne peux parler que des faits réels. Or le choix en question a bel et bien été fait, et je n'ai pas cherché à l'éviter. Ce choix a été accompagné, et un délégué interministériel a été en poste dès le début du quinquennat pour accompagner la fermeture de Fessenheim. De mon côté, en tant que ministre de l'Intérieur, je n'étais pas directement concerné par ce sujet.

Au sujet de la relance et de la construction éventuelle de nouvelles centrales, nous attendions – faut-il le rappeler – l'ouverture de Flamanville et la réalisation du chantier en Finlande. Tous les acteurs de la filière partageaient nos attentes quant à ce nouveau type de réacteurs. L'ouverture de Flamanville est capitale et ne dépend pas de choix politiques. En 2016, j'ai signé deux lettres de mission au secrétaire général de la sécurité et de la défense nationale. La première visait l'examen des sujets de la non-prolifération et l'opportunité de se positionner sur le marché des SMR. La seconde visait à retenir une proposition dans les différentes options technologiques possibles à l'époque. Ensuite, « l'équipe de France du SMR » s'est mise en marche. Aujourd'hui, le projet est toujours activement soutenu. La France a connu des échecs importants dans le nucléaire, et celui d'Abu Dhabi était majeur. Mais nous avons relancé sous le quinquennat du Président François Hollande ce programme alors moribond.

Je partage le choix annoncé par le Président de la République il y a un an. Ce n'est pas une question de personne, mais à mon avis, le choix est important pour le pays et devrait servir de base à un consensus national. Nous avons connu en effet des difficultés, essentiellement techniques que je ne cherche pas non plus à exagérer. Quoi qu'il en soit, on peut parler de choix politiques, mais nous avons connu surtout des difficultés techniques réelles que les spécialistes connaissent mieux que moi. Qui pouvait imaginer le retard pris par l'EPR de Flamanville ? J'en suis désolé, mais je n'accuserai personne de ce retard. Il faut maintenant que « l'équipe de France » soit au rendez-vous. Nos succès des années 60 à 80 reposaient sans doute sur une forme de consensus qui a pu, il est vrai, s'affaiblir, sans que l'on puisse en faire porter la responsabilité aux gouvernements du Président François Hollande, ou à tel ou tel. Notre rendez-vous avec l'histoire, désormais, est avant tout d'ordre technologique, sans même évoquer les questions financières.

Vous avez évoqué Fukushima. Nos centrales ne sont pas sans risques, mais l'ASN veille sur la situation. L'accident de Fukushima a été déclenché par une causalité extérieure : un tsunami. Je rappelle aussi que personne ne pense que Mme Angela Merkel, par exemple, prenait ses décisions à la légère. Elle a pourtant orchestré la sortie de son pays du nucléaire. Les choix de 2012 visaient en effet la réduction de la part du nucléaire dans la production électrique, la montée en puissance du renouvelable, la confirmation de Flamanville et le soutien à une politique d'export (en Finlande, en Chine, au Japon...). L'important aujourd'hui n'est pas de vilipender tel ou tel politique, mais de savoir comment nous pourrons être le mieux armé possible pour affronter l'avenir.

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