Intervention de Manuel Valls

Réunion du jeudi 2 février 2023 à 9h30
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Manuel Valls, ancien Premier ministre :

La loi de 2015 n'a pris aucune décision sur ce point et renvoie plutôt aux travaux de qualification. Des études sur le « moxage » du palier à 1 300 mégawatts étaient en cours à l'époque. Dans l'histoire de la filière, l'idée était que les combustibles usagés pouvaient être recyclés dans les surgénérateurs à neutrons rapides, mais dès les années 80, un frein avait pesé sur le développement d'une filière, avec un problème de débouché pour les combustibles usagés. Puis une piste de développement du MOX est apparue. Nous n'avons fait de notre côté aucun choix négatif sur ce sujet. Rien ne remettait en cause le MOX au-delà des difficultés techniques.

Vous avez rappelé que l'opposition au nucléaire s'est manifestée de deux manières : en demandant la fermeture de certaines centrales, souhaitée par les écologistes, en France ou en Allemagne, par exemple, ou en s'attaquant de façon plus subtile à des éléments plus ciblés. M. Lionel Jospin a dû parler de Superphénix avec vous. Pour ma part, j'ai le sentiment que les choses ont changé radicalement, quand je vois la position des Verts au sein de gouvernements, en France ou en Europe.

Il y a eu un autre débat, sur un autre élément de la filière, qui est Cigéo, qui a été poussé autant que possible pendant cette période. La loi de 2006 prévoyait qu'un texte législatif définisse une phase industrielle pilote pouvant aboutir à une autorisation d'exploiter par décret. Finalement, ce projet a été intégré dans la loi de transition de 2015 puis dans la loi dite « loi Macron » sur les questions économiques d'août 2015, avant que le Conseil constitutionnel censure l'article concerné au motif qu'il s'agissait d'un cavalier législatif. Finalement, nous avons utilisé le PPL sur proposition de M. Gérard Longuet. La demande d'autorisation de création de Cigéo vient d'être déposée. C'est un élément très important de la filière. Dans les remises en cause de la filière, La Hague avait un rôle symbolique. Notre idée était de préserver tous les éléments de la filière.

En fin de compte, les événements nous ont donné plutôt raison. Aucun élément fondamental n'a été remis en cause par notre politique ; rien n'empêcherait, demain, de relancer avec force la filière, sinon les sauts technologiques éventuels, outre l'investissement financier nécessaire. Mais avec la volonté politique et l'absence d'écueil technologique majeur, la relance est possible.

En ce qui concerne la durée de vie des centrales, il faut reconnaître qu'il était question de 35 à 40 ans initialement, et que nous parlons désormais de 80 ans. L'opinion publique doit être éclairée en permanence sur ces sujets afin qu'elle comprenne pourquoi les durées peuvent être prolongées, et l'ASN doit aider dans ce débat, pour qu'il n'y ait aucun doute sur le fait que nous pouvons prolonger. Les Américains, sur la base d'autres éléments d'analyse, en parlent. Pourtant, ils sont soucieux de sécurité car ils ont connu eux-mêmes un incident nucléaire.

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