Intervention de Ségolène Royal

Réunion du mardi 7 février 2023 à 16h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Ségolène Royal, ancienne ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie :

Je ne me souviens pas de cette déclaration de 2011. Je vous propose de nous en tenir aux faits, et non à des déclarations, donc aux 50 % d'énergie nucléaire figurant dans la loi de transition énergétique.

Cet objectif avait été annoncé et je devais le mettre en application. Dans un premier temps, j'ai estimé qu'il n'avait pas sa place dans la loi. J'étais en charge de préparer la COP 21 et la transition énergétique du pays, et je ne souhaitais pas prendre en charge cette problématique polémique. Je savais qu'elle susciterait des divisions à l'Assemblée nationale, alors même que j'avais besoin de rassembler les courants politiques pour aboutir à un modèle énergétique le plus consensuel possible.

Je ne souhaitais pas que figure dans la loi l'objectif d'abaisser la part du nucléaire dans la production d'électricité de 75 % à 50 %, car j'estimais que nous devions au préalable nous assurer d'économiser de l'énergie et de développer les énergies renouvelables. J'ai donc cherché à extraire cet objectif de 50 % de la loi, en proposant de le placer dans la PPE.

Une autre de mes préoccupations consistait à ne pas laisser croire que nous disposions d'une énergie abondante, sous la forme du nucléaire. Nous devions devenir une civilisation moins consommatrice d'énergie et améliorer l'autonomie énergétique de la France. Je rappelle en effet que la production d'énergie nucléaire nécessite du carburant et de l'uranium, que la France ne produit pas. À l'inverse, les énergies renouvelables et l'hydroélectricité, tout comme les efforts de performance énergétique, servent l'autonomie énergétique de la France.

Je ne suis pas parvenue à écarter cet objectif de la loi. Cependant, afin de ne pas abîmer le débat sur la transition énergétique et d'éviter un blocage entre pro- et antinucléaires dès le début, j'ai proposé d'évoquer le nucléaire à la fin. Cette tactique a plutôt bien fonctionné.

L'échéance initialement fixée était 2025, mais j'ai décidé de la porter à 2030. En effet, certains parlementaires UMP acceptaient de voter ou s'abstenir à cette condition, et il m'a semblé plus important d'obtenir un consensus que de s'accrocher à une position. Les écologistes sont alors montés au créneau, à Matignon comme à l'Élysée, et ont insisté pour maintenir l'échéance de 2025, mais je l'ai refusé. J'ai proposé d'écrire « l'horizon 2025 », en menaçant de retirer cet objectif de la loi si cette formulation n'était pas retenue. Elle l'a finalement été.

Nous avons ensuite élaboré la PPE, et nous avons de nouveau entendu les pro- et les antinucléaires. J'essaie de comprendre les logiques des uns et des autres, car ils nous forcent à nous expliquer, donc à réfléchir. À l'occasion de ces échanges sur la PPE, il m'a été demandé de faire figurer dans la loi la fermeture de 11 ou 16 réacteurs. Je l'ai refusé, d'une part car les centrales nucléaires emploient 35 000 salariés, et d'autre part parce que j'estimais toujours que la part du nucléaire n'était qu'une résultante des autres efforts accomplis sur l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Vous pourrez le vérifier : la PPE ne comprend aucune liste de réacteurs à fermer.

Après mon départ du ministère, mon ancienne directrice de cabinet est elle-même devenue ministre de l'environnement, en binôme avec M. Antoine Pellion. Ils ont alors décidé de la fermeture de la centrale de Fessenheim, non conditionnée à l'ouverture de la centrale de Flamanville, et publié une PPE contenant une liste de fermetures de réacteurs. Enfin, en novembre 2019, ils ont demandé à EDF d'imaginer un scénario « 100 % énergies renouvelables ». Ils contredisaient ainsi publiquement M. Jean-Bernard Levy, selon lequel il convenait de réfléchir à de nouveaux réacteurs car d'autres arrivaient en fin de vie.

Comment des ingénieurs, techniciens et ouvriers peuvent-ils se sentir motivés par l'énergie nucléaire, ne serait-ce que pour entretenir les centrales, s'ils entendent que cette énergie va s'arrêter ? C'est impossible. Or nous avons besoin d'ingénieurs, techniciens et ouvriers formés et motivés pour entretenir les centrales, notamment sur des problèmes de corrosion – qui touchent d'ailleurs moins les anciennes centrales que les nouvelles. De telles déclarations n'aident pas à maintenir des salariés dans ces filières ou à y attirer des jeunes.

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