Intervention de Ségolène Royal

Réunion du mardi 7 février 2023 à 16h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Ségolène Royal, ancienne ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie :

Je n'ai pas senti que des lobbies pronucléaires empêchaient le développement des énergies renouvelables, et cela ne m'aurait pas arrêtée. Les outils que j'ai mis en place (appels d'offres, finance verte, crédits d'impôt, territoires à énergie positive) constituaient un dispositif complet, allant des industries aux particuliers. Quand je quitte le ministère, les énergies renouvelables sont déjà montées en puissance, puisqu'elles produisent, sauf erreur de ma part, l'équivalent de six réacteurs nucléaires.

J'ai la conviction profonde que, si cette dynamique s'était prolongée, nous aurions aujourd'hui des filières positionnées parmi les premières d'Europe dans ce domaine. Si cet effort n'avait pas été stoppé net en 2017, nous serions montés en puissance – mais pas aux dépens du nucléaire. Ce dernier a en effet besoin d'investissements de sécurité, afin de sécuriser ses 63,2 GW. En revanche, il n'était pas nécessaire d'imaginer la construction de nouveaux réacteurs.

À ce sujet, je vais vous dire le fond de ma pensée : il serait impossible de construire de nouveaux réacteurs. Où les mettriez-vous ? Imaginez-vous une commune ou un département accepter une nouvelle implantation ? Seriez-vous preneurs, vous, dans vos circonscriptions, d'un réacteur nucléaire ? Vous pourriez sans doute construire de nouveaux réacteurs sur les emprises des centrales actuelles, mais ce n'est pas pareil. Quant à l'impact sur un territoire en termes d'emploi et d'énergie, il me semble plus fort avec les économies d'énergie, la performance des bâtiments et les énergies renouvelables.

Quoi qu'il en soit, il faut investir sur les réacteurs actuels afin qu'ils restent actifs, car ils présentent des problèmes de corrosion et d'entretien. Ces investissements constituent déjà un objectif ambitieux. Annoncer de nouveaux réacteurs permet peut-être de renforcer la confiance de la filière, mais l'urgence se situe ailleurs. Au moment où nous parlons, 13 réacteurs se trouvent à l'arrêt. Pourquoi construire de nouveaux réacteurs alors que l'on peut en redémarrer 13 ? Il s'agit aussi d'une question de bon sens et d'allocation optimale des ressources publiques.

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