Intervention de Hervé Machenaud

Réunion du mercredi 8 février 2023 à 16h15
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Hervé Machenaud, membre de l'Académie des technologies, ancien directeur exécutif chargé de la production et de l'ingénierie, directeur de la branche Asie-Pacifique d'EDF (2010-2015) :

Depuis les années 1990, EDF a lancé de grands programmes, tels que l'achat d'une distribution au Brésil. Je n'ai pas du tout été impliqué, mais selon moi, le métier d'EDF est la production industrielle d'électricité et EDF doit pouvoir vendre son produit. Je ne pense pas que la distribution à l'international soit son métier, parce-que ce n'est pas le métier des autres de vendre l'électricité d'EDF en France. Il est difficile de porter un jugement sur l'achat de l'électricien anglais. La question est la suivante : la vocation d'EDF est-elle de réaliser l'ensemble de son métier dans un autre pays ? Si les contraintes sont suffisamment claires, pourquoi pas. L'aventure nucléaire américaine est toutefois beaucoup plus discutable et n'a pas eu autant de succès qu'il avait été escompté.

La situation est différente en Asie, car nous n'y avons jamais investi sauf dans l'EPR de Taishan. Nous avons fait notre métier d'industriel et nous avons construit des centrales. Ainsi, à Daya-Bay, nous n'avons pas investi et nous avons été payés pour le faire de façon très correcte.

Quand la Chine s'est développée à partir des années 1980, EDF était son modèle et guide en matière de développement de l'électricité. Nous avons contribué dans les domaines hydraulique et thermique, car la Chine effectuait des essais, en particulier un essai à Laibin, centrale à charbon dont le fournisseur était Alstom et pour laquelle les Chinois voulaient tester un built-operate-transfer (BOT). Il s'agit de confier la construction à une structure qui exploite la centrale pendant un certain temps, puis la remet au propriétaire.

En Chine, EDF a accompagné le développement du système électrique assez largement dans tous les domaines, production, transport et distribution, mais sous la forme de conseils et moyennant paiement, à quelques exceptions près : la centrale de Laibin, un groupe de centrales thermiques des années 1990 dans le Shandong, une centrale à charbon ultra-supercritique dont j'ai oublié le nom et l'EPR de Taishan.

La Chine souhaitait développer son programme sur le modèle français. Alors que le programme nucléaire avait été interrompu, Hu Jintao, lors de son arrivée au pouvoir en 2003, décide de le relancer et tous les nucléaristes de Chine viennent en France. En septembre, ils décident de développer leur programme sur la base du N4. À l'opposition d'Areva s'ajoute une intervention américaine de la part de Dick Cheney qui accuse la Chine d'avoir tout donné aux Français. La Chine décide de lancer un appel d'offres début 2004, organise la duplication et déploie un très grand nombre de réacteurs du type français. D'ailleurs la majorité des réacteurs en exploitation sont sur ce modèle. Après de nombreuses péripéties, l'appel d'offres est attribué aux Américains début décembre 2006.

L'appel d'offres prévoyait la construction de quatre réacteurs, deux construits par la Compagnie nucléaire nationale chinoise (CNNC) et deux construits par la China General Nuclear Power Corporation (CGN), qui obtient du gouvernement l'élargissement de l'appel d'offres vers un troisième acteur nucléaire très volontaire qui vient de commencer son activité. Ainsi, trois semaines plus tard, EDF et Areva reçoivent une lettre de CGN leur proposant respectivement d'investir dans la construction de l'EPR et de fournir l'îlot nucléaire.

Il était impossible de refuser. Le Président Chirac avait insisté pour qu'un EPR soit développé en Chine et il était énormément investi. Naturellement, EDF et Areva ont répondu favorablement. Par ailleurs, les investissements de ce type en Chine ont été extrêmement rentables. Ainsi, dans la centrale du Shandong, le taux de rentabilité interne (TRI) est supérieur à 17 % tandis qu'il est de l'ordre de 15 % pour Laibin. Pour Taishan, je ne sais pas encore, cela prendra du temps.

Deux autres très beaux projets ont été mis en place en Asie dont un projet de barrage au Laos à Nam Theun, un cas assez unique dans l'histoire des barrages, car il a été construit à trois mois près dans les délais et au dollar près dans le devis. Qui plus est, il s'avère aujourd'hui extrêmement rentable pour EDF. Le cycle combiné à gaz de Fumi au Vietnam est aussi une très belle opération.

Ainsi, tout dépend du métier. Quand les opérations concernent le métier industriel d'EDF et sont menées dans le cadre de partenariats qui fonctionnent, elles sont rentables.

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