Intervention de Barbara Pompili

Réunion du mercredi 15 février 2023 à 18h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili, ancienne ministre de la transition écologique (2020-2022) :

Le projet de loi en préparation ne fait pas mention d'une fusion. Il serait pour le moins malvenu qu'une réforme aussi lourde, sur un sujet aussi complexe et délicat, soit menée par voie d'amendement, sans étude d'impact. Cela reviendrait à se tirer une balle dans le pied.

Le système repose sur une séparation entre l'établissement public chargé de l'expertise et l'autorité indépendante. Cette dernière subit des pressions énormes car elle peut décider de la fermeture d'une centrale nucléaire complète – on imagine sans peine les enjeux financiers et en matière d'emplois que cela représente. Nous avons besoin de préserver la crédibilité de cette autorité, qu'elle a mis des années à construire et qui est désormais reconnue par tous. Même si l'ASN est un donneur d'ordre, le fait que l'IRSN en soit séparé le rend plus facilement accessible et permet d'instaurer un véritable dialogue avec la société civile, éclairant les données sur lesquelles se fonde l'ASN quand elle prend une décision.

Si tout est intégré au sein de l'ASN, comment être sûr que celle-ci ne tentera pas, sous l'effet des pressions qu'elle subit, d'orienter la recherche ? La séparation évite à l'IRSN de ne rendre de comptes qu'à l'ASN ; si elle disparaît, il n'y aura pas le même niveau de transparence. Au mieux, cela n'apporte pas grand-chose et, au pire, cela crée de la suspicion. En France, dans d'autres domaines comme la santé, on sépare toujours l'expertise de la prise de décision. Ce système ayant fait ses preuves, je ne comprends pas en quoi il était urgent de le changer.

Certains points peuvent être améliorés, comme le calendrier des décisions que l'ASN doit rendre – visites décennales des centrales, mesures post-Fukushima, construction de nouvelles piscines d'entreposage et gestion des déchets – alors qu'elle est débordée. Elle a sans doute besoin de plus de moyens, et il faut les lui donner, mais en procédant ainsi, on se trompe dans le signal politique que l'on envoie. Si l'on veut relancer la construction de réacteurs nucléaires, il ne faut pas brouiller le message sur la sûreté.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion