Intervention de Barbara Pompili

Réunion du mercredi 15 février 2023 à 18h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili, ancienne ministre de la transition écologique (2020-2022) :

Je reste à ma place et j'écoute les experts : selon eux, la France – les situations diffèrent selon les pays du fait de la variété des mix électriques – peut atteindre un mix composé à 100 % d'énergies renouvelables en 2050, mais au prix d'immenses efforts de sobriété, d'amélioration des réseaux et d'avancées sur les stockages. Il sera également nécessaire de développer une bonne complémentarité entre les énergies, mais cet axe est loin d'être le plus complexe ; en effet, de très nombreux ingénieurs font sortir ou entrer tel type d'électricité en permanence et importent des quantités d'électricité différentes d'heure en heure.

Le problème tient plutôt au retard accumulé sur les énergies renouvelables dans notre pays : nous avons donc moins de temps pour atteindre notre objectif et notre parc nucléaire est vieillissant. Même moi qui suis a priori favorable à cette orientation, je la juge risquée car elle implique de conserver longtemps le parc nucléaire actuel, sans nouveau réacteur. Compte tenu des déconvenues que j'ai pu essuyer quand j'étais ministre à cause de l'état de certaines installations, il y a un risque à tirer sur le parc existant jusqu'à la corde. Voilà pourquoi je me retrouve dans le discours de Belfort, même s'il évoque six plus huit réacteurs alors que six seraient déjà très bien et que l'on peut faire sans quatorze réacteurs ; naturellement, le Président a raison d'impulser une vision.

Quand je parle de pilote je pense à quelqu'un qui tient la barre pour que l'on fasse ce que l'on a annoncé. Je persiste à dire que nous n'avons pas mis suffisamment de moyens, pour de nombreuses raisons, pour atteindre nos objectifs, que ce soit dans la fermeture de réacteurs comme dans le développement des énergies renouvelables. Cela s'explique par le manque de vision claire : dans le brouillard, on n'avance pas vite. Que les choix nous plaisent ou non, il fallait sortir du brouillard.

Je n'étais pas au gouvernement en 2018 lors de la remise du rapport de M. Bréchet puis de l'arrêt de Fessenheim, donc je n'ai pas eu connaissance des éléments auxquels vous faites allusion et il m'est difficile de les commenter. Je rappelle que la fermeture de Fessenheim a été décidée à un moment où EDF nous disait que l'EPR serait mis en marche depuis longtemps lorsque la centrale cesserait totalement de fonctionner. Nous avons déployé des politiques qui tenaient compte des avis d'EDF. Cette dernière n'est pas responsable de tout, mais fermer une centrale est un processus lourd. Il faut préparer un territoire et des travailleurs en pensant à leur reconversion : cela ne peut pas se faire du jour au lendemain, l'anticipation est nécessaire.

On ne peut pas dire à des employés qu'ils ne travailleront plus dans la centrale l'année prochaine, puis reporter à la suivante, puis à celle d'après : c'est irresponsable de laisser les gens dans la plus complète incertitude car on les empêche ainsi de se projeter et d'organiser la suite de leur vie professionnelle. La décision de fermer Fessenheim était prise depuis longtemps, si bien que les travaux de sûreté qui auraient dû être réalisés en cas de poursuite de l'activité n'avaient pas été effectués et la dernière visite décennale avait été annulée : la fermeture était inéluctable, donc il fallait effectivement la faire à un moment, ne serait-ce que par respect pour les gens qui travaillaient sur place. Attendre que l'EPR de Flamanville fonctionne revenait à obérer le futur des agents de la centrale de Fessenheim.

L'arrêt de Fessenheim nous a privés de 1,6 gigawatt, mais cette perte n'est absolument pas la cause des problèmes de notre système électrique. Le problème vient du fait que nous avons compté jusqu'à trente réacteurs fermés, ce qui représente une puissance installée d'environ 30 gigawatts contre seulement 2 gigawatts pour Fessenheim. L'affaire de Fessenheim a été montée en épingle, mais la fermeture de cette centrale n'a pas menacé la production électrique de notre pays car on trouve facilement 2 gigawatts.

L'hydroélectricité est en effet très importante, elle représente une grande part de notre approvisionnement en électricité et nous sommes très contents d'avoir nos barrages, mais il n'y a plus beaucoup de réserves pour développer une nouvelle filière, voilà pourquoi elle ne se situe pas au cœur de notre action. Je n'ai pas évoqué les Step, que l'on peut en effet utiliser, mais je ne vous ai pas non plus parlé de géothermie ni de nombreuses autres sources d'électricité. La microhydroélectricité peut être intéressante, sous réserve qu'il n'y ait pas de problème de continuité écologique des cours d'eau, auquel cas on opposerait deux problèmes. Il faut donc regarder territoire par territoire, comme pour toutes les sources d'énergie. Nous devons utiliser toutes les sources à notre disposition, à condition que leur exploitation soit compatible avec la préservation de l'environnement.

Il fallait donner des perspectives : nous avons fixé un objectif à l'horizon de 2050 et nous avons tracé une route pour l'atteindre. Il y aura lieu de rectifier le trajet au cours des années qui viennent, mais la programmation pluriannuelle couvre tout de même une période de dix ans, divisée en deux étapes de cinq ans : les filières disposent donc d'un cadre dans lequel elles peuvent se projeter.

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