Intervention de Nicolas Hulot

Réunion du mardi 28 février 2023 à 14h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Nicolas Hulot, ancien ministre d'État de la transition écologique et solidaire :

Lorsque j'ai prononcé ces phrases, les désagréments – c'est un euphémisme – que nous connaissions à Flamanville et les difficultés rencontrées par les EPR du Royaume-Uni et de Finlande nous montraient que nous étions dans une forme de fuite en avant. Dans le secteur économique privé, de tels dérapages budgétaires entraîneraient immédiatement des sanctions pour les responsables. S'agissant des délais, nous ne savons même pas combien nous aurons de retard.

Ce qui était « irréversible » était le rééquilibrage du mix énergétique en faveur des énergies renouvelables. J'ai toujours considéré que l'atteinte de l'objectif de 50 % de nucléaire dans la production d'électricité constituait un point de passage permettant de déterminer si nous pouvons aller plus loin et notamment accélérer le développement de la filière éolienne.

La politique énergétique de la France donne lieu à une communication pathétique. Les débats crispés entre les pro- et les antinucléaires, les pro- et les anti-énergies renouvelables, notamment l'éolien, créent une espèce de front de refus dans tout le territoire. Celui-ci constitue évidemment une contrainte supplémentaire. En tenant compte de tous ces paramètres, je ne suis pas capable de vous dire si nous pourrons nous passer du nucléaire. Du point de vue technologique, ce serait possible. Le Portugal l'a fait pendant 103 jours. Le Costa Rica vient de le faire pendant un an et demi. Ce pays exporte une partie de sa production énergétique à partir des énergies renouvelables vers les pays voisins.

Si nous n'étions pas confrontés à tous ces freins, je suis convaincu que les énergies renouvelables nous permettraient, avec les interconnexions européennes, de disposer d'une indépendance qui serait sinon totale du moins importante.

Si nous relançons le nucléaire – ce qui semble être la voie dans laquelle nous nous dirigeons –, il ne faudra pas non plus faire abstraction des résistances qui ne manqueront pas de s'exprimer, en particulier s'agissant des déchets. Personne ne veut de ces déchets. La France est en contentieux avec plusieurs pays qui nous ont confié leurs déchets à retraiter et qui ne veulent pas les récupérer. Par ailleurs, le refroidissement des réacteurs des centrales nucléaires nécessite beaucoup d'eau. La situation hydrique actuelle en France doit nous faire réfléchir. Disposerons-nous de ces ressources en quantité suffisante à long terme ?

Nous ne devons pas nous précipiter. Il faudra prendre des risques, mais nous devrons les prendre en toute transparence, après un débat de société. Ces choix ne peuvent pas être guidés par des considérations idéologiques, dogmatiques ou purement politiques.

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