Intervention de Dominique Ristori

Réunion du mercredi 1er mars 2023 à 20h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Dominique Ristori, ancien directeur général de l'Énergie auprès de la Commission européenne (2014-2019) :

Je vous remercie monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs. L'Europe a reconnu, dès son origine, le caractère stratégique de la politique énergétique. Elle est née à la fin de la seconde guerre mondiale avec la CECA, car à l'époque, le charbon était dominant et l'acier était utilisé pour la reconstruction. En 1958, le traité Euratom, instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique, et le traité de Rome, instituant la Communauté économique européenne, ont été signés. Après l'intervention de Suez, nous avions déjà le sentiment qu'il était nécessaire de prendre une certaine autonomie vis-à-vis du pétrole en assurant la promotion de l'atome, ce qui a mené au traité Euratom.

Ensuite, un développement de droit secondaire a eu lieu dans le domaine de l'énergie, touchant l'efficacité énergétique ainsi que le marché intérieur européen et s'appuyant sur des bases juridiques voisines ou annexes, c'est-à-dire ayant une relation avec l'énergie, en l'occurrence l'environnement et le marché intérieur. Ni l'Acte unique européen en 1986 ni les traités de Maastricht, Amsterdam et Nice qui ont suivi n'ont abouti à un article énergie. En effet, il a fallu attendre le traité de Lisbonne en 2007 et l'article 194 pour avoir une définition des compétences respectives des États membres et de l'Union européenne.

Le volet de mix énergétique continue à relever du niveau national, même si les États membres peuvent se mettre d'accord sur une base volontaire pour favoriser ou atteindre un objectif en matière d'énergies renouvelables, qui elles-mêmes sont citées dans les compétences communautaires, à savoir la promotion des énergies renouvelables, de la sécurité d'approvisionnement ainsi que des interconnexions et du marché intérieur. Des compétences sont clairement partagées entre l'Union européenne et les États membres en matière énergétique. Depuis lors, toute une série d'initiatives a d'ailleurs vu le jour en lien avec à peu près tous les volets de la politique énergétique. L'approche privilégiée fut celle d'une combinaison entre des objectifs politiques convenus avec le Conseil européen sur proposition, en général, de la Commission européenne notamment, par exemple les objectifs dits « 20-20-20 », et un cadre réglementaire très conséquent. Celui-ci est en effet probablement le plus développé et solide à travers le monde.

Aujourd'hui, l'Union européenne a réduit de 11 % la part des énergies fossiles depuis 1990. Cette situation nous place à l'avant-garde mondiale en matière de production d'électricité décarbonée. La contribution des énergies renouvelables et du nucléaire représente environ deux tiers de la production électrique, d'ores et déjà décarbonés. Si ces progrès se poursuivent dans la ligne des nouveaux objectifs fixés, nous pourrions arriver à un taux de 95 % de la production électrique décarbonée dès 2030. Vis-à-vis de la situation de nos concurrents et partenaires, nous sommes donc les meilleurs dans ce domaine. Évidemment, cette question est liée à celle des effets en matière de souveraineté énergétique. Ce terme n'est d'ailleurs plus un tabou en Europe. Il concerne certes l'énergie, mais aussi le domaine alimentaire, les semi-conducteurs ou la santé. La France contribue d'ailleurs de manière importante à cette souveraineté en Europe, comme le prouvent les conclusions de l'agenda de Versailles, sous impulsion française.

En définitive, le développement d'un cadre de droit secondaire très important est survenu en matière d'énergie nucléaire. L'Europe représente maintenant l'espace le plus développé en termes de cadre réglementaire dans le domaine du nucléaire notamment. Ce cadre aborde par exemple les niveaux adéquats de sûreté et les questions de traitement des déchets et de combustibles usés.

De plus, les objectifs de neutralité carbone fixés à horizon 2050 ne seront pas atteints par soustraction, mais par addition. Il ne faut en effet pas choisir en une source d'énergie décarbonée et une autre. Concrètement, il est nécessaire d'additionner les énergies renouvelables et l'énergie nucléaire. Évidemment, cette combinaison amènera des niveaux de dépendance bien moins importants que ceux que nous connaissons aujourd'hui.

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