Intervention de Jean-Yves Bony

Réunion du mardi 7 mars 2023 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Bony :

En octobre dernier, un rapport du Sénat sur la compétitivité de la ferme France révélait le décrochage de notre agriculture, passée en vingt ans de la deuxième à la sixième place dans le classement des exportateurs mondiaux. Elle n'arrive même plus à remplir l'assiette des Français, notamment dans les cantines. Nos importations alimentaires ont doublé en vingt ans et les échanges de notre pays avec ses principaux partenaires européens sont en déficit chronique.

Vous dites que l'agroécologie est au cœur de la souveraineté alimentaire, mais ces deux enjeux ne s'opposent-ils pas ? Comment prétendre rester une puissance agricole quand on adoube le Pacte vert européen, qui promeut un modèle de décroissance, va engager un virage écologique à marche forcée et retirer de notre surface agricole utile 10 % de nos parcelles ? La stratégie « De la ferme à la table » aboutira chez nous à une chute de la production de 20 %, conduisant au doublement de nos importations alimentaires et à une perte de valeur de 12 milliards d'euros par an, alors qu'il est reconnu qu'il faudrait 60 % de production agricole en plus pour nourrir 9 milliards d'êtres humains d'ici à 2050.

Le discours environnemental a contribué par sa surenchère agroécologique à orienter l'agriculture française vers une production haut de gamme, ce qui n'a ni préservé le revenu des agriculteurs, ni séduit le consommateur français, qui, avec le peu de pouvoir d'achat qui lui reste, a préféré des produits moins élitistes, mais plus accessibles.

La France est en train de reproduire avec l'agriculture l'erreur qui a été commise dans les années 1980 avec l'industrie. Va-t-on continuer à plomber ce secteur économique en lui imposant un virage forcé vers toujours plus d'exigences environnementales ou stopper enfin la tiers-mondialisation de notre agriculture ? Comment, monsieur le ministre, allez-vous expliquer à un éleveur du Cantal qu'il doit encore réduire sa production alors qu'il détient moins d'une unité de gros bétail (UGB) à l'hectare et que, parallèlement, on importe de la viande du Brésil ? Comment peut-on souhaiter, à l'instar de certains « grands penseurs », une baisse drastique de la production de céréales, qui transformerait progressivement nos terres agricoles en champs de marguerites ?

Redonnons sa place à notre agriculture avant qu'il ne soit trop tard et posons-nous la seule question qui vaille : peut-on rester souverain si l'on produit toujours moins ?

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