Intervention de Henri Alfandari

Réunion du mercredi 8 mars 2023 à 13h35
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Alfandari, rapporteur :

L'idée a été d'élargir la question sur le domaine européen et pas de traiter la partie nationale du projet.

La question de l'IRA a été abordée et je pense justement que c'est dans ce type de véhicule législatif européen que nous devons inclure le nucléaire, de manière à assurer la cohérence de notre politique énergétique avec les autres politiques européennes.

Sur l'aspect des coûts, et de manière assez concrète, on aura, et j'en aurai la charge, un rapport sur le marché du carbone dans cette commission à partir du mois d'avril. À travers ce rapport, il y aura de nombreuses choses qu'on pourra travailler tant sur le marché de l'énergie, que son financement, que sur l'objectivation des coûts sur l'ensemble des filières et des investissements à faire. Je vous invite très fortement à y participer.

Je vais revenir sur les premières questions, et la façon dont nos filières nucléaires européennes se démarquent sur le marché de l'énergie. Une des grandes questions est de choisir entre la vente de technologie aux pays tiers, et l'exploitation directe des centrales sur ces marchés tiers. J'ai auditionné EDF Chine. Il faut se rendre compte aujourd'hui que sur les réacteurs, qu'ils soient américains, français ou autre, les chinois maîtrisent 93 % de la supply chain. Cela veut dire qu'il ne reste que 7 %, même si vous êtes exploitant dans les contrats là-bas. C'est 7 % d'un gâteau immense : comment notre filière européenne peut-elle se positionner sur ce marché, en vendant ses technologies à des entreprises locales ou en y intervenant directement en tant qu'exploitant ? Même les contrats contiennent des clauses qui interdisent de se retrouver en concurrence sur un marché autre comme l'Inde, l'application pratique de ces clauses est difficile.

Toujours sur l'export, il y a deux types de réacteurs que l'Union pourrait exporter dans les pays tiers : les Evolutionary Power Reactor (EPR) ou les small modular reactor (SMR). Il y a certainement un avenir export beaucoup plus fort sur les SMR plutôt que pour les gros réacteurs, surtout que cela ne pose pas les mêmes problématiques en termes de sûreté nucléaire. Très clairement cela dépend de l'objectif que l'on se donne au niveau européen. Si demain on rentre dans une vraie décarbonation du mix européen pour tenir nos objectifs, peut-être qu'on n'aura pas la capacité d'intervenir à l'extérieur. C'est une question que l'on peut se poser. Très clairement c'est là où on a besoin le plus tôt possible d'organiser la filière, d'avoir une visibilité sur la stratégie, la place qu'on donne au nucléaire, qu'on donne par rapport aux énergies renouvelables dans le mix, sachant qu'il est essentiel de ne pas opposer les deux, on a profondément besoin des deux. Mais on a besoin de créer de la visibilité et là j'en reviens aux questions sur les partenaires européens. Oui, il y a une plus large part des États membres qui est plutôt opposée. Il faut tout de même veiller à la cohérence de notre législation européenne : ne pas avoir certaines victoires pour le nucléaire et bloquer les débouchés industriels de ces technologies. C'est là d'où viennent les difficultés. On a un problème de concordance si l'ensemble de la chaîne n'est pas bien positionné dans l'ensemble des textes à venir.

Ce qui est important c'est que l'alliance du nucléaire n'est peut-être pas assez importante, même si elle constitue une minorité de blocage. Mais il faut voir pourquoi on en est là. S'il y a des choses qui manquent de cohérence, c'est souvent par l'absence de la France et de sa position déterminée sur cette question. Il y a un tournant qui est intervenu en matière de politique énergétique nationale, et c'est aussi ce qui a provoqué un tournant au niveau européen.

Je crois que par rapport à la guerre en Ukraine, par rapport aux problèmes de souveraineté, même si je ne l'ai pas mentionné comme tel, que l'une des solutions est de créer une filière européenne du combustible. Plusieurs centrales en Europe centrale et en Ukraine utilisent le carburant produit par l'entreprise russe Rosatom. Créer un carburant européen permettant de faire fonctionner l'ensemble des filières pourrait permettre de faire converger les intérêts de tous les États-membres.

Je reviens à la question de la supply chain. En Chine, 93 % de la supply chain est exploité par des entreprises chinoises. Les 7 % qui restent sont principalement assurés par des entreprises françaises et allemandes. L'industrie allemande a profondément intérêt au développement de la filière nucléaire. C'est pour cela que l'on vous a ouvert les pistes, notamment des projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC), sur la question des SMR et des AMR. Les AMR sont des SMR de quatrième génération qui viennent fermer le cycle du combustible. Les AMR permettent de répondre à la question de la sécurisation des matières premières et des déchets. Si on peut réellement fermer le cycle, l'essentiel de la problématique déchets est résolu.

L'idée est d'emmener l'ensemble des partenaires européens sur une véritable stratégie de décarbonation du mix électrique. J'en reviens à la question de la sobriété. Je vous donne mon point de vue personnel : si on veut sortir les deux tiers de fossiles du mix énergétique dans un horizon très court, on ne coupera pas à une augmentation massive de l'électrification, et qui ne reposera pas seulement sur la sobriété et les énergies renouvelables (EnR). Il faut de tout, notamment du nucléaire, il faut qu'on l'accepte et il faut qu'on arrive à le positionner correctement dans le temps.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion