Intervention de Nicolas Sarkozy

Réunion du jeudi 16 mars 2023 à 9h30
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Nicolas Sarkozy, président :

Oui, exactement ! Il faut aussi tenir compte du calendrier. Le débat est intéressant, et compliqué ; je ne dis pas que toute la vérité est de mon côté.

Vous dites que l'électricité est un bien de première nécessité, qui appartient à tout le monde. Non ! Quand Danone a besoin d'électricité pour faire fonctionner ses usines, pourquoi le contribuable devrait-il payer ? Après, vous allez hurler sur les dividendes des actionnaires ! Notre pays a besoin d'une filière nucléaire pour produire de l'électricité. Augmentons notre capacité de production : c'est cela qui est stratégique. Mais laissons la loi de l'offre et de la demande décider des prix.

Vous êtes humaniste, vous ne pouvez pas interdire aux autres de faire quelque chose que les Français font. Ce serait trop simple !

Je m'arrête aussi sur le terme d'« allégeance aux Allemands ». Ne jouez pas avec ça ! Les pays ne changent pas d'adresse, ils ne déménagent pas. Nous sommes voisins des Allemands ; ils sont nos premiers clients, nous sommes leur premier fournisseur. Nous sommes liés ! Si demain la France fait faillite, l'Allemagne est emportée. C'est bien ce que j'ai expliqué à Angela Merkel en 2008 : la Grèce était balayée, l'Italie n'en était pas loin ; après l'Italie venait le tour de la France. « Ne te réjouis pas trop », lui ai-je dit, cela n'aurait pas fait de bien à l'Allemagne. Croyez-moi, j'y ai beaucoup réfléchi. J'ai été élevé par mon grand-père, qui avait fait deux guerres et qui n'aimait pas les Allemands – je ne vous dirai pas comment ils les appelaient. Je me suis, moi, promis de ne jamais en dire de mal. Ce n'est pas une question d'allégeance. Nous sommes voisins et nous avons une responsabilité les uns vis-à-vis des autres.

Quand les Allemands et les Français sont d'accord, tout le monde est exaspéré ; mais quand nous ne le sommes pas, tout le monde panique. Il vaut mieux exaspérer que paniquer ! Quand le vent souffle, quand il y a une crise, ce n'est pas le Luxembourg ou Malte que l'on va chercher. On a beaucoup glosé sur « Merkozy », mais on était bien content de nous trouver pour écoper ! Je digresse, pardonnez-moi.

Je me désole du fait que les Allemands n'aient pas fait, comme nous, le choix du nucléaire – pour des raisons politiques, voire politiciennes, car il y a derrière cela l'alliance avec les Verts. Vous le savez, en Allemagne, on n'élit pas un individu mais un parti, et c'est le chef de ce parti qui devient chancelier. En France, on élit un homme ou une femme, et ensuite le parti en profite ! Regardez mes amis…

L'énergie est au cœur de tous les grands débats économiques et politiques de la société française. On ne peut pas l'analyser avec une grille entièrement idéologique. Dans des économies modernes, il faut trouver les moyens de concilier la nécessité d'un État stratège qui investit, hors des forces du marché, et celle de laisser ensuite le marché respirer et définir le prix qui permet à l'économie française de vivre et au consommateur français de ne pas être écrasé. C'est plus facile à décrire qu'à faire. Mais c'est bien là un débat politique noble et intéressant.

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