Intervention de François Hollande

Réunion du jeudi 16 mars 2023 à 14h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

François Hollande, président :

L'objectif n'était pas, en favorisant le développement des énergies renouvelables, de diminuer notre capacité de production nucléaire – le plafond était élevé et nous n'avons pas fermé la moindre centrale nucléaire pendant mon mandat –, mais de favoriser le développement des énergies renouvelables en plus du nucléaire parce que celui-ci est plus facilement pilotable et parce que les énergies renouvelables devaient atteindre un niveau de compétitivité suffisant pour ne plus avoir besoin d'être soutenues financièrement, une contribution assurant ce soutien. Nous sommes d'ailleurs bien contents que les entreprises de ce secteur aient fait des surplus considérables, permettant à l'État de trouver des ressources inespérées pour financer le « quoi qu'il en coûte ». Seules des centrales à énergies fossiles – fioul et charbon – ont été fermées, pour des raisons tenant à nos engagements climatiques, notamment l'Accord de Paris que j'ai signé à l'issue de la COP21.

La Commission européenne n'a jamais été particulièrement favorable au nucléaire parce que la très grande majorité des États membres n'utilisent pas cette énergie. Avec les quelques pays qui y ont recours, comme la République Tchèque et la Slovaquie, nous avons toujours tenu bon et je n'ai jamais reçu de recommandation ou d'injonction de Bruxelles nous demandant de nous en débarrasser. Je n'ai pas davantage intimé l'ordre à Mme Merkel de rallumer ses centrales nucléaires : dans le cadre européen, chacun poursuit la politique énergétique de son choix, à la condition qu'elle respecte les objectifs globaux de neutralité carbone et de réduction des énergies fossiles.

J'ai alerté à plusieurs reprises mes collègues européens sur le risque de dépendance au gaz russe, allant jusqu'à mettre en garde Angela Merkel contre le projet de gazoduc Nord Stream 2, instrumentalisé par Vladimir Poutine après l'invasion de l'Ukraine – elle y voyait un moyen de convaincre ce dernier de rester raisonnable. En réduisant notre approvisionnement venant de Russie, nous nous sommes débarrassés de cette dépendance et, lorsque des sanctions ont visé le gaz russe, nous n'avons pas été bouleversés comme l'ont été les Allemands.

Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas dépendants des autres. L'uranium utilisé par les centrales nucléaires vient ainsi du Kazakhstan, du Niger et de certains autres pays. Nous ne sommes donc jamais complètement libres et souverains. Cela est vrai aussi pour les terres rares ou les panneaux solaires. Nous n'avons pas pu développer l'industrie de fabrication de panneaux en raison des prix – voire du dumping – pratiqués par les Chinois.

L'installation de champs de panneaux solaires ou d'éoliennes provoque toujours des contestations mais si nous n'atteignons pas nos objectifs de développement du renouvelable, et avec les difficultés que l'on connaît actuellement dans la production d'électricité nucléaire, nous serons peut-être amenés à aller chercher des énergies que l'on ne veut pas utiliser. Il faut donc, dans le respect des populations, développer les énergies renouvelables car c'est un élément de souveraineté.

Concernant Lafarge et Alcatel, il ne faut pas laisser penser que l'État peut intervenir aisément quand une entreprise est rachetée. Si un décret a été pris pour instaurer un droit de regard de l'État sur les investissements étrangers dans certains secteurs, il y a des alliances que l'on ne peut empêcher. Je ne fais pas toujours miens les propos de M. Arnaud Montebourg mais il y a un point sur lequel il est intervenu devant votre commission qui est juste : un certain nombre de dirigeants d'entreprises français ont préféré conclure des alliances plutôt que de rechercher des financements pour leur entreprise.

J'assume le choix que j'ai fait concernant General Electric. Cela aurait été beaucoup plus difficile avec Alstom et Siemens, cette dernière ayant perdu une partie de son savoir-faire en matière nucléaire. De plus, s'il s'était agi de donner à Siemens la branche transport, vous auriez été le premier à me reprocher d'avoir cédé aux Allemands une activité essentielle pour notre économie. Aujourd'hui, Alstom Transport se porte plutôt bien.

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