Intervention de Emmanuel Mandon

Réunion du mercredi 15 mars 2023 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuel Mandon :

Premier examen de France avec 1,5 million de candidats chaque année, le permis de conduire représente pour nos concitoyens, en particulier les jeunes, une sorte de rite de passage, une condition à remplir avant d'entrer dans la vie active. En conséquence, la bonne organisation des épreuves du permis de conduire et son coût sont des questions d'intérêt général. C'est à la lumière de ces considérations qu'il convient d'apprécier la proposition de loi de notre collègue Sacha Houlié.

Le permis de conduire est devenu, dans les faits, un véritable diplôme, plus difficile à obtenir que le baccalauréat, comme l'atteste le taux de réussite, qui baisse chaque année. Il était de 57 % en 2022. Ne pas être titulaire du permis de conduire est ce que le sociologue Éric Le Breton appelle une assignation territoriale. Un cinquième de la population adulte est concerné, essentiellement des jeunes des zones rurales ou périurbaines, touchées par la problématique de la mobilité, mais aussi des personnes à faibles revenus.

Toutes ces réalités justifient que le législateur cherche à éliminer les obstacles qui empêchent l'accès au permis de conduire, pour permettre aux candidats de se présenter à l'examen dans des conditions de délai raisonnables et de coût soutenables. Tels sont les objectifs de la proposition de loi, auxquels je souscris pleinement.

L'article 1er tend à créer une nouvelle plateforme numérique d'information, ce qui est totalement justifié par la nécessité de donner une visibilité nationale aux aides, théoriquement disponibles, des collectivités territoriales et de l'État tout en prenant en compte le profil de chaque candidat en fonction de son lieu de résidence et de sa situation personnelle. On le sait, l'accès à la préparation au permis est directement conditionné par son coût moyen, de 1 600 euros pour 35 heures de conduite, ce qui exclut de nombreux jeunes et crée une perte de chance pour l'obtention d'un emploi. L'enjeu est central : c'est celui de l'égalité des chances. La future plateforme doit être conçue comme une mission de service public.

L'article 2, relatif à l'élargissement du CPF à l'ensemble des permis, est également utile. Plus de la moitié des personnes qui ont mobilisé leur CPF à cette fin ont vu leur situation professionnelle s'améliorer, car le permis de conduire favorise en particulier le retour à l'emploi. Le CPF constitue le premier levier pour l'accès au permis de conduire, mais encore faut-il être en mesure de le mobiliser, ce qui n'est pas possible pour de trop nombreux jeunes, non actifs. La création d'une nouvelle plateforme calquée sur « 1 jeune, 1 solution » se justifie d'autant plus que la solution alternative au CPF pour ces publics, le dispositif du permis à 1 euro par jour, est moins opérant, notamment en raison du relèvement des taux bancaires.

S'agissant de l'article 3, dont l'objectif, louable, est de réduire le délai entre deux passages de l'examen – soixante jours en moyenne –, l'élargissement des postes d'examinateur à d'autres catégories d'agents publics se justifie également. La réussite de l'ouverture aux agents de La Poste nous encourage à continuer dans cette voie.

D'autres leviers pourraient être renforcés afin de résoudre le problème de fond, à savoir le taux d'échec à l'examen. Je pense aux formules qui permettent aux jeunes, dès 15 ans ou à partir de 18 ans, d'acquérir une plus grande expérience de conduite grâce à un apprentissage renforcé. Le taux de réussite est alors bien supérieur à la moyenne nationale – il est de l'ordre de 75 % pour la conduite accompagnée. Cette formule, quasiment unique en Europe, bénéficie de peu d'aides, alors qu'elle pourrait permettre de remédier à bien des problèmes. Il en est de même pour la conduite supervisée, destinée aux élèves dont les familles n'ont pas de voiture.

J'appelle enfin votre attention sur les enjeux actuels de la sécurité routière. Chaque année, 700 personnes sont tuées sur nos routes à la suite d'accidents impliquant un conducteur ayant consommé de la drogue, ce qui représente 21 % de la mortalité routière. Ne devrait-on pas aborder cette question, prioritaire, au niveau de l'épreuve du code, pour laquelle on demande aux candidats d'accumuler des connaissances complexes ?

Le groupe Démocrate votera la proposition de loi.

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