Intervention de Sébastien Jumel

Réunion du mercredi 15 mars 2023 à 13h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Jumel :

Monsieur le secrétaire d'État, vous parlez avec passion et, je le crois, sincérité des questions de pêche. En vous écoutant, néanmoins, je redoute un peu que votre passion et votre énergie soient inversement proportionnelles aux moyens dont dispose l'État régalien pour prendre soin de la pêche et la protéger, ainsi que pour jouer un rôle de stratège. Je me dis, par conséquent, que mon propre rôle est de vous aider à renforcer vos outils et vos moyens.

Vous avez exprimé votre point de vue au sujet des aires marines protégées. Si on voulait tuer la pêche, on ne s'y prendrait pas autrement… Il faut, bien sûr, résister fortement à cette mesure technocratique déconnectée de la réalité, abrupte et non concertée qu'est l'interdiction des arts traînants dans ces espaces. Je constate aussi que la Commission européenne a une jurisprudence à géométrie variable. Elle continue à admettre la senne démersale, qui lamine les fonds marins, et elle a mis un temps fou à nous entendre au sujet de la pêche électrique. Il est urgent d'interdire la pêche à la senne démersale, notamment dans la Manche.

Vous avez aussi évoqué le plan de sortie de flotte, qui pourrait permettre d'assainir la situation, selon l'expression de Jean-Pierre Pont – mais à condition qu'il soit adossé à des plans de construction de nouveaux bateaux, qu'on fasse sauter les verrous qui bloquent le renouvellement de la flotte et que les 30 % de licences tombant dans le pot commun, au niveau national, fassent l'objet d'une clef de répartition qui prenne en compte les enjeux géographiques et l'aménagement du territoire. Je pense notamment à la Normandie, qui est sous-dotée en matière de licences : elle pourrait aspirer à disposer, dans le cadre d'une redistribution à partir du pot commun, de licences permettant de redonner des perspectives d'avenir à ceux qui aiment le difficile métier de marin pêcheur et qui s'y forment.

La clause de revoyure prévue dans le cadre du Brexit m'inquiète beaucoup. Il faudra tenir bon, là aussi, afin de ne pas voir les quotas disparaître, ce qui risquerait de pénaliser la pêche artisanale. Il me paraît très important d'anticiper la négociation avec les Britanniques, à laquelle j'espère que nous serons associés très en amont. La pluriannualité des quotas, c'est-à-dire la lisibilité qu'on offre au bout du compte à la pêche, me semble également un aspect déterminant.

Je redoute vraiment que la Commission européenne, à travers le prisme unique de la ressource, favorise les grands bateaux. On peut pêcher le même tonnage avec un bateau usine et avec cent bateaux artisanaux, qui font vivre nos ports, nos criées et nos poissonneries. Il faut préserver l'originalité de la pêche artisanale. Le rapport que j'ai corédigé avec Annaïg Le Meur sur la pêche reste d'actualité.

Sur les quais de Dieppe, comme j'imagine partout en France, on entend que si ça continue comme cela, tout le monde finira à Pôle emploi, et les bateaux sur les ronds-points pour le folklore. Je ne partage pas cette vision fataliste. Notre responsabilité est d'éviter d'en arriver là en nous dotant d'une véritable stratégie nationale pour la pêche.

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