Intervention de Jean-Luc Bourgeaux

Séance en hémicycle du lundi 27 mars 2023 à 16h00
Lutte contre le dumping social sur le transmanche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Bourgeaux :

Nous sommes réunis pour débattre de la proposition de la loi visant à lutter contre le dumping social sur les navires effectuant les liaisons transmanche. En août 2022, les armateurs et le président du syndicat CGT des Marins du Grand Ouest tiraient la sonnette d'alarme sur les agissements de la société P&O Ferries, entreprise britannique qui, en mars 2022, avait brutalement licencié près de 800 travailleurs, sans préavis et au moyen d'un appel vidéo enregistré, pour les remplacer dans la foulée par des marins de pays tiers dont les conditions de travail sont déplorables. Dans la foulée, la compagnie danoise DFDS, qui emploie des marins français sur les lignes de Calais et Dieppe, déclarait qu'en cas de désaccord entre la France et l'Angleterre, elle alignerait ses conditions sociales sur celles de P&O Ferries.

Le 25 octobre dernier, en commission des affaires économiques, lors de l'audition du secrétaire d'État chargé de la mer, M. Berville, j'avais dénoncé ces méthodes et évoqué l'urgence d'un accord bilatéral pour remédier à la faiblesse des lois en matière de dumping social, afin d'éviter que des milliers de marins français et britanniques ne perdent leur emploi. Lors de l'appel de Saint-Malo du 5 novembre 2022, avec la compagnie Brittany Ferries et son président, M. Roué, nous avons confirmé la nécessité de lutter contre ces pratiques déloyales, afin de préserver notre modèle social.

Agir, stopper, dénoncer ces pratiques concurrentielles et faire valoir le droit au travail des marins nationaux et européens dans des conditions dignes de nos pays respectifs en matière de temps de travail, tel est notre credo ! Combattre fermement les pratiques déloyales de dumping social et prévenir leur apparition dans les eaux françaises et communautaires, telle est l'ambition des propositions de loi déposées par mes collègues parlementaires de tous rangs.

Il est temps que la Commission européenne s'empare de cette question vitale pour le secteur du transport maritime. Il est temps aussi d'établir une charte de bonne conduite avec tous les acteurs du transport maritime, l'État et les régions pour lutter contre ces pratiques déloyales.

Si ce dumping social est rendu possible, c'est grâce à deux pavillons européens dits de complaisance, ceux de Chypre et de Malte, qui permettent à un armateur d'employer un capitaine, des officiers et des marins extraeuropéens, sans protection sociale, sans possibilité de récupération et à des salaires très bas, ce qui permet aux compagnies de commercer et de circuler en toute liberté dans l'espace communautaire et les ports de l'Union européenne.

C'est pourquoi il est urgent d'agir sur les salaires et le temps de travail de nos marins et d'imposer notre modèle social ! Une loi de police insérée dans le code des transports et interdisant l'accès de ces navires à nos littoraux permettra de lutter contre tous ces excès et cette concurrence déloyale. Force est de constater que l'affaire P&O a conduit à employer sur ces dessertes des marins à des conditions sociales dignes de pays extracommunautaires à bas coût de main-d'œuvre.

Les compagnies maritimes qui exploitent des navires affectés au transport régulier de passagers entre la France et le Royaume-Uni, sous pavillon français et immatriculés au premier registre, ne peuvent demeurer les otages de telles pratiques.

Les membres du groupe Les Républicains – notamment Pierre-Henri Dumont et moi-même – partagent pleinement les objectifs de cette proposition de loi, qui contient des mesures très utiles, à même de lutter contre le dumping social. Les enjeux sont majeurs pour l'avenir de la marine marchande, pour les lycées maritimes et pour l'École nationale supérieure maritime (ENSM). Il s'agit de contribuer à améliorer la protection sociale des travailleurs et la sécurité, ainsi qu'à rendre plus équitable la concurrence entre les entreprises. Si nous savons déjà que des recours seront déposés, nous espérons tout de même que la loi verra le jour, dans l'intérêt des marins français, des compagnies de transport par bateau dans la Manche et des passagers. La cohérence avec le projet de loi britannique est essentielle à la lisibilité de la mesure et à son application. Notre groupe votera cette proposition de loi.

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