Intervention de François Piquemal

Séance en hémicycle du mercredi 29 mars 2023 à 21h30
Protection des logements contre l'occupation illicite — Article 6

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Piquemal :

L'article 6 concerne les procédures d'indemnisation des propriétaires victimes. Je vous livre une analyse du sociologue Camille François, lequel a travaillé sur ces questions. Voilà ce qu'il nous dit à propos de ce qui se passe en ce moment dans nombre de préfectures : « […] une logique de budget guide les décisions préfectorales en matière d'expulsion. En droit, l'État dispose d'un délai de deux mois pour exécuter le concours de la force publique après que le bailleur a requis ce dernier. Passé ce délai, le propriétaire peut, au titre de l'article L. 153-1 du code des procédures civiles d'exécution, exiger réparation de l'État : une indemnisation financière équivalente au surplus de dette contracté par le locataire au-delà de ce délai de deux mois. Prenons l'exemple fictif d'un bailleur qui réquisitionne la force publique en avril. Deux mois après la réquisition, ses locataires n'ont pas été expulsés et présentent une dette de 1 000 euros. Cinq mois après la réquisition, la famille est finalement expulsée, avec une dette qui atteint 3 000 euros. Dans ce cas, le bailleur peut réclamer une indemnisation de 2 000 euros […] auprès du bureau des expulsions. À l'échelle nationale, le budget déboursé par l'État au titre de l'indemnisation des propriétaires s'élevait [il y a peu] à 30 millions d'euros. » Est-ce toujours le cas, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre délégué ?

Pour certains préfets, la réduction du montant du recours à l'État devient l'objectif prioritaire. Cette logique de budget explique que les familles dont la procédure est susceptible de coûter le plus cher à l'État, notamment celles dont les loyers mensuels sont les plus élevés, fassent l'objet d'un traitement plus sévère. La politique de réduction des indemnités versées aux bailleurs constitue la cause principale de l'augmentation du nombre d'expulsions réalisées par les services de l'État au cours des années 2010. L'État expulse plus souvent qu'avant, pour des raisons budgétaires. L'augmentation des expulsions en France n'est donc pas principalement le fruit d'une évolution des demandes émanant des propriétaires, qui imposeraient leurs vues aux institutions : elle a bel et bien une origine politique qui découle de l'objectif de réduction des dépenses publiques.

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