Intervention de Myriam El Khomri

Séance en hémicycle du lundi 3 avril 2023 à 21h30
Pour une politique ambitieuse du grand âge

Myriam El Khomri, ancienne ministre du travail, auteure d'un rapport sur l'attractivité des métiers dans le secteur du grand âge :

Nous n'avons pas traité du financement parce que la question qui nous était posée portait sur la façon de rendre plus attractifs les métiers du grand âge. Lorsque le taux d'absentéisme s'établit entre 8 et 15 % dans les Ehpad et entre 10 et 20 % dans les Saad – service d'aide et d'accompagnement à domicile –, cela a un prix : un point d'absentéisme correspond à un ou deux points de masse salariale. Notre logique a consisté à partir du principe que renforcer l'attractivité de ces métiers était un investissement. Il n'y a pas d'étanchéité entre ce qui se passe au domicile et les urgences de l'hôpital ; il existe de nombreux coûts cachés.

Le taux de travailleurs pauvres reste élevé chez les intervenants à domicile, bien que le Ségur de la santé ait été essentiel, notamment pour les aides-soignants en Ehpad. Néanmoins, contrairement à ce qui se passait en 2019, lorsque j'avais rédigé le rapport collectif sur l'attractivité des métiers du grand âge, nous connaissons actuellement une telle pénurie de main-d'œuvre que de nombreuses personnes sont embauchées sans être formées, en Ehpad comme en Saad. Nous avons besoin de financement pour la formation continue, parce qu'il n'y a pas de meilleur levier pour engager un collaborateur que de lui indiquer des perspectives d'évolution.

Depuis octobre 2022, les aides-soignantes ne peuvent plus faire financer leur Pro A – promotion ou reconversion par l'alternance ; on leur dit d'attendre le mois de janvier. Des progrès ont été faits concernant l'alternance et la tarification des services d'aide à domicile, notamment le tarif plancher et la dotation complémentaire sur la qualité, de trois euros de l'heure en moyenne. Mais les rémunérations des aides à domicile ne sont pas à la hauteur des enjeux. En 2019, beaucoup de contrats à temps partiel étaient subis ; aujourd'hui, ces aides disent elles-mêmes vouloir travailler moins pour gagner plus. Travailler à temps plein leur coûterait plus cher en frais de garde ; en outre, l'augmentation de leurs indemnités kilométriques n'est pas prise en charge.

Dans notre rapport, nous préconisons de sortir du système de tarification à l'heure, qui repose sur une taylorisation du métier d'aide-soignante, alors même qu'il consiste à faire du lien, à faire faire et à préserver autant que possible l'autonomie des usagers. Nous les mettons dans une position de conflit de valeurs : elles aiment leur métier, qui a du sens, mais la manière dont elles l'exercent lui fait perdre ce sens. Le système, tel qu'il est construit, même avec les trois euros qualité, n'est pas satisfaisant et ne permet pas de rendre ce métier attractif.

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