Intervention de François Piquemal

Séance en hémicycle du mardi 4 avril 2023 à 21h30
Impact de l'écologie punitive sur l'inflation et le pouvoir d'achat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Piquemal :

Je vais vous parler de Sadia, cette commerçante du quartier du Mirail, à Toulouse, dans ma circonscription, qui m'a récemment écrit pour me faire part de sa situation. Voici son courrier : « Monsieur le député, je tiens à vous faire ce témoignage concernant la grande difficulté dans laquelle me met la ZFE. Je dois faire des trajets en dehors de Toulouse pour acheter mes matières premières. Ma voiture est une Clio 2 MTV Crit'Air 4, ce qui fait que, théoriquement, je n'ai plus le droit de circuler dans certains endroits de l'agglomération de Toulouse. Ma mère peut me prêter sa voiture, une Citroën C4 Crit'Air 3, qui elle sera interdite au 1er janvier prochain. Me voilà dans une situation bien délicate où je dois vendre à court terme ma voiture, donc, et en racheter une nouvelle. Je tiens à dire que ça peut paraître bête, mais je suis attachée à ma voiture, car c'est l'endroit où je passe le plus de temps après ma boutique et mon appartement. Et vous savez comme moi le temps que l'on peut passer dans les bouchons dans le périphérique toulousain. »

Effectivement, chers collègues, les automobilistes toulousains passent chaque année l'équivalent de cinq jours dans les embouteillages !

Sadia poursuit ainsi son courrier : « Entre les charges d'électricité, l'inflation, voici que nous tombe dessus la ZFE ! Je n'ai rien contre l'écologie, mais comment fait-on ? Pour acheter une voiture électrique, j'ai vu qu'avec mes revenus et malgré les aides, il fallait que j'avance 6 000 euros. Je ne les ai pas, il va falloir que je fasse un crédit à la consommation, mais j'en ai déjà un en cours. Bien sûr, j'ai regardé au niveau des transports en commun, mais les zones où je dois aller sont mal desservies et les prix ne cessent d'augmenter à Toulouse. Je suis donc à cette heure sans solution. »

Le témoignage de Sadia ressemble à celui de beaucoup d'autres habitants de Toulouse et d'autres villes, qui vivent la zone à faibles émissions plutôt comme une zone à forte exclusion. Sur le papier, les objectifs des ZFE étaient louables, quand on sait que 48 000 personnes en moyenne meurent chaque année de la pollution de l'air extérieur à laquelle participe le trafic routier. Mais la manière dont elles ont été instaurées incarne ce que vous nommez, cher collègue du Rassemblement national, « l'écologie punitive » – à tort, d'ailleurs, me semble-t-il. Vous avez beaucoup tourné autour du pot, mais il s'agit en réalité tout simplement d'une politique néolibérale, capitaliste, de surconsommation en matière de transports : chacun pour soi et Jupiter pour tous – enfin, si toutefois il le veut bien, et ce n'est pas souvent, comme nous avons pu le constater s'agissant de la taxe carbone contre laquelle se sont élevés les gilets jaunes.

Pour parler d'un cas que je connais bien, ceux qui ont imposé la ZFE à Toulouse sont parfois ceux qui rêvaient, il y a peu, d'une seconde rocade – c'est le cas du maire de Toulouse –, ou qui plaident aujourd'hui pour la construction d'une autoroute pour relier la ville à Castres. Ce projet, qui créerait des dégâts écologiques importants pour un très faible gain de temps, est vécu comme une punition par les riverains, notamment les agriculteurs qui voient leurs exploitations détruites, et par nous tous qui voyons des arbres, des haies, des cours d'eau, des zones humides et, plus largement, le vivant dans son ensemble, piétinés.

Qu'ont anticipé les décideurs ces dernières années, à Toulouse et ailleurs, en prévision de la création des ZFE ? Rien, ou si peu ! Comment se passer de sa voiture lorsqu'on habite loin de son emploi, notamment parce que la prévalence des résidences secondaires et la spéculation rendent les logements inaccessibles en ville ? Pourquoi faire des efforts quand l'État abreuve d'argent des secteurs qu'il faudrait rediriger, comme l'aviation, le tourisme intensif ou l'extraction pétrolière, sans exiger la moindre contrepartie écologique ? Pourquoi voter contre l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) climatique, comme le fait le Rassemblement national, lorsque l'on sait que 1 % des plus riches polluent soixante-six fois plus que les 10 % les plus pauvres ?

Seule une planification écologique réellement systémique, comme celle que nous avons pensée, peut nous permettre de sortir de l'ornière : c'est la société dans son ensemble qui doit créer les conditions de la bifurcation écologique. Les efforts doivent être proportionnels aux revenus – un point que vous n'avez jamais mentionné, monsieur Meurin. La création d'un conseil à la planification écologique permettrait, en outre, d'éviter de déployer des mesures insuffisamment préparées ou volontairement improvisées. Il serait chargé d'élaborer la synthèse nationale des consultations décentralisées, pour aboutir à une loi de planification écologique qui détaillerait, secteur par secteur, la programmation budgétaire pluriannuelle des investissements nécessaires et les financements correspondants. Ce conseil serait aussi responsable du rapport annuel de suivi des objectifs, présenté au Parlement et devant les citoyens. Bref : en matière écologique comme dans les autres domaines, gouverner, c'est prévoir.

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