Intervention de Géraldine Bannier

Séance en hémicycle du mardi 11 avril 2023 à 15h00
Fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGéraldine Bannier :

Le texte issu de la commission mixte paritaire et soumis à notre vote vise, d'une part, à fusionner les filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papiers à usage graphique, et d'autre part, à instaurer une modulation des contributions financières pour les produits participant à informer le public sur la gestion des déchets.

La première mesure est prise par cohérence avec l'instauration d'un repère unique pour le consommateur : le bac jaune, destiné à recueillir tant le papier que les emballages – on constate malgré tout que tout n'est pas encore suffisamment uniformisé sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, si la fusion des filières est annoncée comme vectrice de synergies nouvelles, de gains dits structurels, la gouvernance du nouvel ensemble devra être attentivement étudiée, la filière des papiers à usage graphique ne pesant que 10 % de celui-ci. Le papier ne saurait être considéré autrement que comme une matière en devenir, au vu de sa haute recyclabilité et de son moindre impact environnemental – et malgré son ancienneté.

Par ailleurs, ce texte ouvrira la possibilité, pour les producteurs dont les produits participent à l'information d'intérêt général sur la gestion des déchets, grâce à la mise à disposition d'encarts publicitaires, de bénéficier d'une modulation des contributions. Celle-ci prendrait la forme d'une prime versée par les éco-organismes aux producteurs et permettrait de pérenniser un dispositif déjà existant, absolument essentiel à un acteur majeur de la filière des papiers à usage graphique : la presse.

Comme chacun sait, la presse subit une situation des plus compliquées depuis plusieurs années, avec une baisse continue du nombre de lecteurs de journaux ou de magazines ; c'est un acteur économique fragile. Ainsi, la France ne dispose plus que d'un seul site de production de papier destiné à la presse, l'usine de Golbey dans les Vosges. Le secteur fait de plus face à des difficultés majeures du fait de l'inflation, qui renchérit le papier et l'énergie. Ainsi, en un an seulement, le prix de la tonne de papier journal est passé de 400 à 1 000 euros.

La modulation de la contribution, sous forme de prime, permettra donc de rappeler la responsabilité de la presse dans la gestion des déchets. Ses acteurs n'ont d'ailleurs cessé ces dernières années de s'investir pleinement pour améliorer celle-ci, par le choix des encres ou l'utilisation du papier recyclé – à hauteur de 95 % pour le papier vosgien. La mesure permettra en même temps à la presse de convertir sa contribution sous forme d'encarts publicitaires pour former chacun de ses lecteurs à une meilleure gestion des déchets. C'est ainsi une adaptation intelligente qui se poursuit, pour un secteur à vocation d'intérêt général économiquement fragile mais qui peut très utilement participer à une gestion améliorée de la production et du tri des déchets.

En tant que rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation en première lecture, je suis convaincue qu'il n'aurait pas été dénué de sens d'exempter la presse de la REP, comme les livres le sont déjà. Quand il s'agit des livres ou de la presse – originellement porteuse de pluralisme et de liberté d'expression, valeurs fondamentales de nos démocraties –, le papier est constitutif d'un support culturel, contrairement aux cas où il sert d'emballage. Le journal sera parfois conservé comme les livres le sont, quoique sans doute moins régulièrement qu'eux. Il n'entre donc pas tout à fait dans la catégorie du simple produit jetable. Le compromis adopté au Sénat, s'il ne nous satisfait pas pleinement, a au moins le mérite de préserver une possibilité d'exemption totale de contribution pour la presse, par la mise à disposition d'encarts publicitaires, comme c'était le cas jusqu'à cette année. J'appelle toutefois votre attention sur trois points particulièrement importants.

Tout d'abord – mais ce ne devrait pas poser de difficulté – j'appelle à la vigilance quant à la part de financement prise en charge par l'éco-organisme. Jusqu'ici, le code de l'environnement fixait ce niveau à 80 % pour les emballages ménagers et à 50 % pour les papiers à usage graphique. Le texte renvoie la fixation du niveau de prise en charge à un décret. Je sais bien que les intérêts des collectivités et ceux de l'éco-organisme financé par les industriels – Citeo, pour ces filières – convergent difficilement et que le coût des emballages ménagers supporté par les collectivités s'est accru, à cause de la forte inflation et la hausse de la taxe générale sur les activités polluantes, toutefois le taux qui s'appliquera devra ne pas pénaliser les filières, dont on connaît, au moins pour celle des papiers à usage graphique, la fragilité.

Deuxièmement, je vous interpelle sur le taux d'acquittement dont bénéficie la filière des papiers à usage graphique, qui résulte du rapport entre le poids de déchets de papiers à usage graphique pour lesquels une contribution est versée et celui de l'ensemble des papiers assujettis à la REP. De fait, ce taux ne prend pas en compte les freeriders, ou passagers clandestins. Les acteurs de la filière du papier à usage graphique ont exprimé leur inquiétude de voir à terme ce taux d'acquittement disparaître. Compte tenu de la précarité de sa situation, la filière papiers ne peut se permettre de payer pour ces passagers clandestins.

Enfin, j'appelle votre vigilance sur les décrets qui fixeront les conditions de modulation de la contribution, si ce texte est adopté.

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