Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mercredi 29 mars 2023 à 17h30
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva, président :

Dans les faits, c'est ce qui s'est passé. À tout le moins, une réalité humaine et physique est venue démontrer que le rapprochement familial n'était pas effectif.

Dans cette affaire, il y a deux trajectoires, deux parcours carcéraux de deux DPS. Vous avez expliqué que les terroristes islamistes présentent deux risques spécifiques en prison, du fait de leur prosélytisme et de leur capacité à passer à l'acte. Force est de constater que, dans le cas de Franck Elong Abé, il y a eu un passage à l'acte. Vous venez de nous dire que le statut de DPS se définit avant tout par l'obligation faite à l'administration pénitentiaire de surveiller ces détenus d'une manière particulière. L'un et l'autre auraient donc dû être mieux surveillés. Or, force est de constater qu'ils ne l'ont pas été, notamment au moment des faits.

Je voudrais revenir sur les raisons du non-transfert en QER de France Elong Abé, malgré les cinq avis rendus en ce sens, de 2019 à janvier 2022.

Alors que la CPU de Condé-sur-Sarthe avait émis un avis très favorable à son orientation en QER, en 2019, le parquet national antiterroriste a, quant à lui, émis un avis très réservé, alors même qu'il n'avait pas de compétence en matière post-sentencielle s'agissant d'une proposition d'affectation en QER, comme l'a relevé l'Inspection générale de la justice. Et l'administration pénitentiaire est allée dans le même sens. Nous avons besoin de comprendre cette séquence. Au-delà du fait que l'avis des CPU n'a pas été suivi, on note d'autres irrégularités, comme la non-transmission des comptes rendus ou le traitement erratique du dossier en janvier 2022, même si une réunion était prévue le 9 mars 2022 pour traiter du transfert de Franck Elong Abé en QER.

Plusieurs des acteurs que nous avons auditionnés ont une ligne de défense commune, qui consiste à dire que Franck Elong Abé risquait de déstabiliser les sessions QER. En octobre 2019, le parquet national antiterroriste – qui dit, de manière un peu ambigüe, avoir émis un avis sur le transfèrement et non sur l'orientation en QER – considère qu'il était trop troublé.

Quatre autres recommandations de transfert en QER ont été faites jusqu'en janvier 2022, mais la directrice de la prison d'Arles n'a pas transmis les procès-verbaux à sa hiérarchie : cela reste un point d'interrogation. Grosso modo, une ligne de défense consiste à dire qu'à Arles, Franck Elong Abé allait mieux et que l'objectif de tout le monde était sa sortie. Lorsque nous l'avons auditionnée une première fois en commission des lois le 30 mars 2022, la directrice de la prison n'a pas évoqué les incidents qu'avait provoqués Franck Elong Abé, alors que le dernier est survenu peu de temps avant qu'il devienne auxiliaire, en août-septembre 2021. Nous avons découvert, au cours de nos travaux, le réel degré de dangerosité de Franck Elong Abé, qui était connu des services de renseignement.

Nous avons appris qu'il faisait partie des terroristes islamistes du haut du spectre. On nous a parlé d'un individu extrêmement dangereux, schizophrène, aguerri au maniement des armes et explosifs, ayant participé à des attaques contre les forces de la coalition au Pakistan. Cela a suscité l'étonnement de certains acteurs. Le chef de la mission d'inspection de fonctionnement a ainsi affirmé que si celle-ci avait été au courant de ces informations, elle aurait encore davantage insisté sur le fait que l'intéressé n'avait rien à faire en emploi au service général. La cheffe du pôle psychiatrie d'Arles nous a indiqué qu'il avait des troubles psychotiques mais que, s'il avait été suffisamment troublé pour ne pas aller en QER, il aurait fait l'objet d'une hospitalisation. Autrement dit, ses troubles n'empêchaient pas son transfert en QER.

Nous nous sommes donc demandé sur quelle base, en octobre 2019, le parquet avait émis un avis « très réservé », qui suppose une connaissance approfondie de l'individu. Sur quel fondement cet avis est-il rendu ?

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