Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 15h35
Commission des affaires étrangères

Sébastien Lecornu, ministre :

C'est la raison pour laquelle les critères évoluent assez vite en fonction des paquets d'aide. Les premiers ont donné lieu à des critiques – y compris envers nous – car le mécanisme permettait d'acquérir des nouveaux matériels en remplacement des anciens. Des discussions ont lieu à bon niveau et je tiens à remercier le commissaire Thierry Breton et Josep Borrell, qui ont œuvré pour que la FEP fonctionne de manière complètement européenne.

Il ne faut pas oublier que la France contribue beaucoup à la FEP : avec presque 1 milliard d'euros, nous sommes le deuxième contributeur. L'effort européen est concret et significatif.

L'Union européenne a plusieurs cordes à son arc. Elle peut, en premier lieu, s'appuyer sur la passation en commun de marchés. On a bien vu leur effet de levier pour l'acquisition de vaccins lors de la crise de la Covid. Le même effet peut être obtenu pour les stocks stratégiques, sans porter atteinte à notre souveraineté. La mutualisation de l'acquisition de poudre pourrait ainsi permettre à chacun de continuer à produire ses propres obus de 155 millimètres. Il faut reconnaître que la poudre est malheureusement devenue une denrée rare et l'Union européenne a évidemment un rôle à jouer en la matière.

J'en viens au SCAF, qui renvoie aux coopérations européennes, ce qui me permet aussi de répondre à la question de M. Herbillon. Ce dossier pouvant faire l'objet de débats politiques lors de l'examen du projet de LPM en séance publique, je m'y attarde pour décrire les principes suivis par l'exécutif. Cette grille de lecture peut être consensuelle.

Premièrement, nous ne partagerons jamais certains éléments du programme SCAF. Tout ce qui a trait à la dissuasion nucléaire restera intégralement français.

Deuxième principe : nous pouvons faire à plusieurs ce qu'il aurait été impossible de faire de manière isolée, parce que cela permet de réduire les coûts.

Le SCAF repose sur plusieurs piliers – le cloud, les drones et l'avion de combat – et se décompose en plusieurs phases. Nous sommes actuellement dans la phase 1B, qui consiste à réaliser un démonstrateur, pour un coût global d'un peu moins de 3 milliards d'euros. Selon certains experts, sa réalisation dans un cadre national aurait coûté un peu moins cher au total. Mais comme le programme comprend trois partenaires – on oublie trop souvent l'Espagne –, cette phase coûte environ 1 milliard à la France. On peut évaluer l'économie à au moins 1 milliard. La mutualisation est une bonne manière de gérer l'argent des contribuables et il faut se poser la question de l'élargissement du programme à d'autres partenaires, pourvu que cela présente un intérêt industriel et militaire.

Par-delà les aspects financiers, les programmes d'équipement en commun permettent de faire progresser l'interopérabilité. On a pu le voir lors de l'évacuation de Kaboul avec l'utilisation des A400M. Cette interopérabilité sera encore plus grande en ce qui concerne l'aviation de chasse et conduit à se poser les bonnes questions dès le début du programme.

Cela m'amène à nos lignes rouges. Comme je l'ai indiqué très clairement à notre partenaire allemand, la première d'entre elles concerne les exportations. Il ne sera pas possible de vendre des avions de combat de nouvelle génération à des pays qui ne sont membres ni de l'Union européenne, ni de l'OTAN – comme l'Indonésie, l'Inde ou les Émirats arabes unis – si cela doit également faire l'objet d'un accord préalable du Bundestag. C'est contraire à toute la politique que nous avons menée depuis les années 1960 pour financer de manière souveraine notre BITD. L'exécutif français décide des exportations d'armes françaises, sous le contrôle du Parlement. Cela ne se partage pas.

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