Intervention de Jean-Baptiste Achard

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Jean-Baptiste Achard, co-fondateur et dirigeant de la plateforme StaffMe :

Tout d'abord, j'ai toujours travaillé en tant qu'étudiant, en intérim notamment, dans de nombreux secteurs. J'ai toujours trouvé compliqué de travailler de manière ponctuelle en parallèle des études, en raison de l'inadaptation du cadre de travail ou des horaires.

Mon combat au quotidien porte sur l'instauration d'un dispositif de travail étudiant ponctuel, qui permettrait aux jeunes de générer des revenus. Cet outil de lutte contre la précarité étudiante leur offrirait aussi la possibilité de gagner en employabilité, en ajoutant des lignes à leur CV. En prenant le cas spécifique de StaffMe, une partie du problème serait résolue par l'instauration d'un statut de travailleur ponctuel simplifié pour les entreprises ou les étudiants, comme cela peut exister en Allemagne ou en Belgique. Ces pays proposent en effet des dispositifs de travail ponctuel faciles d'accès et limités dans le temps. De fait, un étudiant doit se consacrer en priorité à ses études. En Allemagne, ce travail est limité à vingt heures par semaine ; en Belgique, la limite est annuelle (pas plus de 475 heures). Ma recommandation consisterait à trouver une voie passant par le salariat via un contrat de travail étudiant facile d'accès.

D'un point de vue plus global, le travail indépendant constitue une aspiration profonde partagée par toute une génération. Plus de 50 % des jeunes de moins de trente ans font part de leur désir pour l'entrepreneuriat, contre 25 % chez les plus âgés. L'autoentrepreneuriat, créé il y a dix ans, concerne aujourd'hui près de deux millions de personnes. Nous assistons à un moment de transition pour les droits des travailleurs. Il faudrait décorréler les droits du statut pour aller vers un statut de l'actif permettant de générer des droits dont on peut profiter après.

Ce phénomène est déjà à l'œuvre, notamment dans le domaine de la formation avec la création du compte personnel de formation (CPF). Il s'agit pour moi d'une conviction profonde : les droits devraient être liés à un statut d'actif. Il ne devrait plus y avoir de séparation forte entre le salariat et l'indépendance. Ces schémas me semblent dépassés. L'essentiel consiste pour moi à renforcer les protections pour tous ceux qui travaillent, qu'il s'agisse du chômage, de la retraite ou de la formation.

Je suis assez dubitatif sur le développement de l'Arpe. Tout d'abord, le dispositif est limité à un seul secteur, celui de la mobilité, qui attire beaucoup d'attention, compte tenu de la nature des acteurs étrangers aux pratiques parfois contestables. Le phénomène est également très visible, puisque nous voyons tous les jours ces chauffeurs et livreurs dans nos rues. Il est donc dommage que l'Arpe porte sur le seul secteur de la mobilité, dans la mesure où le développement des plateformes d'indépendants concerne bien d'autres secteurs.

Ensuite, l'approche uniquement centrée sur le dialogue social me semble limitée. Il faudrait conduire des réformes beaucoup plus importantes pour prendre en compte la nouvelle réalité des travailleurs de plateforme. Nous attendons de voir quelles seront les évolutions concernant la directive européenne. Vous en savez certainement plus que moi sur les étapes conduisant à la mise en place d'une législation européenne sur le sujet.

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