Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques :

Certaines de vos questions ne relèvent pas de mon champ de compétences. En effet, il ne nous revient pas de nous prononcer sur le fond du projet de loi de programmation militaire.

Nous n'avons pas non plus à nous prononcer sur le nombre de lois de programmation. J'observe néanmoins que la multiplication des lois de programmation a tendance à rigidifier le processus. En l'absence d'une loi de programmation des finances publiques permettant d'avoir une vue d'ensemble, nous pourrions aboutir à la situation paradoxale d'un besoin d'ajustement massif sur toutes les dépenses non programmées, qui nous conduirait à une forme d'aporie. Autrement dit, le législateur doit examiner ces éléments avec sagesse, laquelle peut suggérer de ne point trop en faire.

L'avis du HCFP porte sur la cohérence d'ensemble de nos finances publiques et de ce projet de loi de programmation militaire. J'indique au président de la commission des finances qu'une des notes de la Cour des comptes sur la qualité de la dépense publique portera sur les dépenses fiscales et les dépenses sociales, qui représentent une masse de 170 milliards d'euros, dont il faut faire l'inventaire pour que les parlementaires puissent prendre des décisions à cet égard.

S'agissant des marches évoquées par plusieurs d'entre vous, il est vrai que le rehaussement s'effectue en deux temps : 3 milliards annuels jusqu'en 2027, puis 4,3 milliards entre 2028 et 2030. Il est également vrai que la durée de la programmation enjambe celle de la législature, mais c'est assez fréquent en matière de dépenses. Néanmoins le montant de 3 milliards n'est pas négligeable pour la période 2024-2027.

Je note que cette forte hausse des crédits était globalement inscrite dans le projet de loi de programmation des finances publiques, à deux nuances près. Tout d'abord, nous n'avons pu nous assurer que ces sommes figuraient totalement dans le projet, puisqu'elles étaient uniquement mentionnées pour les années 2024-2025, le texte ne présentant de programmation par mission pour les années 2026 et 2027. Les entretiens que nous avons réalisés conduisent à penser que cette trajectoire est plutôt cohérente. Mais le HCFP ne peut pas garantir que les 13 milliards d'euros supplémentaires prévus par le projet de loi de programmation militaire, dont le financement paraît encore incertain, aient bien été prévus en projet de loi de programmation des finances publiques.

Une autre incertitude porte sur l'inflation. Je ne crois pas qu'elle conduirait à une baisse des dépenses, mais il est exact que la LPM est bâtie sur l'hypothèse d'inflation du projet de loi de programmation des finances publiques, que nous estimons un peu faible. En toute hypothèse, la hausse des dépenses militaires en volume sera affectée par l'inflation, qui en limitera la progression. Cela posera question si l'on veut tenir les ambitions affichées, notamment en matière industrielle.

Ensuite, il est vrai que l'effort national de soutien à l'Ukraine vient s'ajouter aux ressources budgétaires prévues. Il est mis en œuvre notamment sous forme de contribution à la facilité européenne pour la paix, de cession de matériels et d'équipements nécessitant un recomplètement, ou d'aides à l'acquisition de matériels ou de prestation de défense et de sécurité. Ces moyens sont prévus en sus, c'est-à-dire en dehors des 3 milliards d'euros évoqués.

S'agissant du multiplicateur keynésien, je suis très attaché à la BITD française, mais il faut néanmoins distinguer quelques éléments. Incontestablement, cette industrie existe sur nos territoires et présente une série de débouchés. Néanmoins, je suis plus prudent à l'évocation du multiplicateur keynésien, puisque celui-ci se joue à l'échelle globale en termes de productivité et d'emploi. À court terme, il existe effectivement une accélération, mais à long terme, il n'y a pas d'impact mesurable sur le PIB potentiel de la France. Un effort global serait nécessaire pour que celui-ci augmente, et non pas qu'il porte uniquement sur 1,9 % du budget de l'État. Toutefois, le HCFP ne produit pas d'analyse macroéconomique spécifique, mais il s'attache à la cohérence en matière de dépenses.

Enfin, les restes à payer sont essentiellement dus à l'allongement des contrats, selon les réponses fournies par le ministère de la défense et le ministère des finances.

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