Intervention de Gabriel Amard

Réunion du mercredi 12 avril 2023 à 13h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Amard :

Il aurait été souhaitable que nos collègues républicains se renseignent au préalable sur les fondements du droit maritime. Comment prendre au sérieux un texte dont la première phrase affirme que les 230 migrants secourus par SOS-Méditerranée l'ont été dans les eaux territoriales libyennes, où aucun bateau d'aucune ONG n'entre jamais ? Cela est propre au droit maritime.

Cette PPRE exige que les crimes des passeurs soient reconnus comme des crimes contre l'humanité. On ne peut qu'être d'accord, mais le faire serait hypocrite. Cette PPRE pourrait d'abord demander aux autorités françaises de faire la lumière sur les financements européens en Lybie, qui participent d'une manière ou d'une autre à alimenter un système dénoncé le 27 mars dernier par les enquêteurs des Nations unies, avec de l'esclavage dans les prisons secrètes, des sévices sexuels et des crimes contre l'humanité. Je vous invite à prendre connaissance du rapport de la Sénatrice Marie-Arlette Carlotti pour le compte de l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée, qui met en lumière ces situations dramatiques.

En tant que membre de cette même assemblée, j'affirme catégoriquement que vous déformez la réalité. L'opération Triton de Frontex ne visait qu'à surveiller les frontières, et pas à sauver les migrants. L'opération Thémis actuellement en cours n'a pas non plus pour mandat principal la recherche et le sauvetage. Aucun bâtiment de Frontex déployé sur zone n'aurait d'ailleurs la capacité de mener des sauvetages. Vous souhaitez donc confier à Frontex la mission d'organiser des sauvetages alors qu'elle n'a ni les mandats, ni les moyens requis.

Ensuite, votre PPRE est un danger quand elle prétend réformer le droit maritime. Chers collègues, ce sont les conventions internationales qui définissent les critères de désignation d'un lieu de débarquement sûr, et ce n'est ni à une ONG, ni à un chef de bord de le faire.

À ce jour, la Tunisie, mentionnée par la PPRE, ne peut pas être considérée comme un lieu sûr, d'autant moins depuis les déclarations de son président à l'encontre des populations originaires d'Afrique subsaharienne.

Vous mentionnez enfin une enquête menée par le juge italien Maurizio Agnello pour faire état de ce que vous appelez la complicité avérée entre ONG et réseaux de passeurs. Il vous appartient de commenter une affaire qui a été dénoncée comme dossier à charge par plusieurs rapporteurs des Nations unies. Cette affaire base ses éléments sur des fuites d'enquêtes de police, dans le cadre d'un procès en cours pour lequel aucun jugement n'est encore intervenu.

Cette PPRE intervient alors que chaque semaine, nos eaux internationales sont parsemées par ces tragédies alors que des vies se brisent en mer.

Nous allons une fois de plus devoir parler pendant des heures sur la base d'élucubrations de celles et ceux qui travestissent la vérité pour affoler les esprits. Nous ne participerons donc pas à cette mascarade qui vise à pointer du doigt les hommes et les femmes qui sauvent des vies en mer, et nous en appelons à l'honneur et au sérieux de la représentation nationale. Je vous demande de retirer cette proposition de résolution.

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