Intervention de Jérôme Buisson

Séance en hémicycle du mardi 9 mai 2023 à 15h00
Inscrire le groupe militaire privé wagner sur la liste des organisations terroristes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Buisson :

Le groupe Wagner, comme l'ensemble des sociétés militaires privées à travers le monde, connaît un essor rapide au gré des signatures de nouveaux contrats menant à des engagements dans un nombre croissant de pays. Si nous constatons que ces sociétés constituent souvent pour les États un outil de leur politique étrangère, le groupe Wagner est, quant à lui, une arme au service du pouvoir russe, une arme qui déstabilise certains pays africains en opérant des prélèvements sur leurs ressources naturelles en guise de rémunération, une arme qui attaque directement les intérêts de la France dans les pays africains, une arme qui pratique la désinformation pour dénigrer l'armée française. Selon des experts du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH), c'est probablement l'arme qui tue des centaines de civils maliens à Moura et Hombori. Enfin, c'est l'arme qui sévit depuis le 24 février 2022 en Ukraine, l'arme qui mène depuis quelques mois l'offensive à Bakhmout – je salue, moi aussi, la présence de l'ambassadeur d'Ukraine dans les tribunes.

Le groupe Wagner est donc une entité qui attaque les intérêts français, déstabilise les pays dans lesquels il intervient et y commet, selon des experts, des exactions. Pour tout crime de guerre, nous demandons que soient systématiquement diligentées des enquêtes internationales indépendantes, sous l'égide des Nations unies ou de la Cour pénale internationale (CPI), des enquêtes à même d'établir les responsabilités de ceux qui les perpètrent.

Il nous paraît clair que ce groupe paramilitaire porte atteinte à nos intérêts nationaux et que certaines de ses actions revêtent un caractère illégal, voire criminel. Au nom du respect de nos intérêts comme du droit international, le groupe Rassemblement national votera cette proposition de résolution. Toutefois, nous déplorons, une nouvelle fois, la dimension hors-sol voire incantatoire que prend notre politique étrangère. Cette résolution invite notamment le Gouvernement à se mobiliser pour demander l'inscription du groupe Wagner sur la liste des organisations terroristes établie par l'Union européenne. La portée réelle de cette classification nous semble cependant limitée, l'entité visée n'ayant pas d'existence légale au sein de l'Union européenne et ses dirigeants faisant déjà l'objet de sanctions. Cette résolution relève donc du symbole. Nous connaissons tous l'importance qui y est attachée mais le symbole ne fait pas l'action, mes chers collègues. Pour faire reculer le groupe Wagner en Afrique où la Russie nous mène une guerre d'influence, les résolutions ne nous aideront guère. Nous devons réinvestir notre partenariat avec les pays africains dans le cadre de relations bilatérales respectueuses de la souveraineté des États, contrer la propagande antifrançaise et construire une politique de codéveloppement permettant de stabiliser ces pays.

La lutte contre le groupe Wagner, comme l'ensemble de la politique étrangère de la nation, ne peut se réduire à une succession de postures et d'incantations. Nous ne devons pas, comme en a pris l'habitude le Président de la République, venir en Afrique exposer les canons de la gouvernance et enchaîner les sorties teintées de paternalisme, voire de mépris. Ces envolées verbales relèvent encore une fois du symbole, mais un symbole qui entache gravement nos relations diplomatiques. Par ses actions, le président Macron est un acteur de notre perte d'influence ainsi que de l'effondrement de nos échanges commerciaux avec les pays du continent. Malheureusement, cette déroute de la diplomatie présidentielle laisse la place à d'autres acteurs comme la Chine ou la Russie. Nous devons, au même titre que les autres puissances du monde, manier les leviers diplomatiques, économiques, militaires, culturels ou informationnels qui sont à notre disposition.

Bien qu'ayant subi les effets d'une politique désastreuse à bien des égards, la France ne manque pas d'atouts : notre réseau diplomatique est encore le troisième du monde ; notre langue, le français, est une des plus parlées – la francophonie sera l'un des piliers de la politique étrangère conduite par notre présidente ; nombre de nos groupes sont présents dans des secteurs stratégiques ; enfin, notre armée est puissante et dispose d'une capacité de projection.

En tant que force d'alternance, le Rassemblement national prône pour la nation une politique indépendante, proactive, intransigeante vis-à-vis de ses intérêts mais empreinte de la retenue et du professionnalisme caractéristiques de l'art de la diplomatie. En votant cette proposition de résolution, nous souhaitons réaffirmer la voix singulière de la France dans le concert des nations, notre attachement à la défense de nos intérêts et au droit international, ainsi que notre soutien sans ambiguïté à l'Ukraine agressée par la Russie à travers ce groupe paramilitaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion