Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mardi 9 mai 2023 à 15h00
Inscrire le groupe militaire privé wagner sur la liste des organisations terroristes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Crâne rasé, joues tombantes, regard de furie – nul ne peut oublier le visage d'Evgueni Prigojine. L'oligarque russe, proche de Vladimir Poutine, est aujourd'hui à la tête de l'organisation paramilitaire Wagner, fondée en 2014 notamment par Dmitri Outkine, ancien membre des forces spéciales russes, tatoué de symboles nazis.

Si elle est entrée en action pour la première fois lors de la guerre de Crimée, c'est en Afrique, en Syrie et aux frontières de l'Europe que sont implantés ces mercenaires qui arborent des écussons brodés d'une tête de mort qui tient un poignard entre les dents.

En quelques années, de petite milice observée du coin de l'œil par la communauté internationale, Wagner est devenu une organisation structurée qui vend ses services tout en développant une véritable machine à cash capable de payer elle-même ses mercenaires.

En 2017, en Syrie, certains membres de Wagner avaient brillé par leur cruauté, allant jusqu'à filmer leurs exactions les plus perverses. Souvenez-vous de cette vidéo où l'on voit un déserteur syrien torturé à coups de masse avant d'être décapité et brûlé, attaché par les pieds après avoir été aspergé d'essence. En arrière-plan de la vidéo, ce sont des hommes parlant russe que l'on entend plaisanter sur le « barbecue » en préparation. L'horreur ! Après enquête, il s'avère qu'au moins un des bourreaux, dont on voit le visage, était bien employé par la société Wagner.

En Centrafrique, leur réputation est la même. Sans foi ni loi, ils préfèrent tuer plutôt que de laisser d'éventuels opposants derrière eux. Selon un récent rapport de Human Rights Watch, des massacres sont perpétrés depuis 2019. À Aïgbado, en 2022, soixante-dix civils auraient été décimés par des hommes de Wagner. Les survivants parlent d'une véritable tuerie de masse. Ennemi direct de la France, le groupe Wagner ne cache pas sa volonté de nous bouter hors d'Afrique, espérant ainsi exploiter ses richesses. C'est une raison supplémentaire pour nous montrer intraitables.

Selon les services de renseignement allemands, c'est encore Wagner et ses hommes de l'ombre qui sont responsables des quelque 460 cadavres découverts dans les fosses communes de Boutcha en Ukraine. Mi-avril, le président ukrainien Zelensky lui-même dénonçait les agissements de ces « monstres » russes après la publication sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant la décapitation d'un prisonnier de guerre ukrainien présumé.

Les accusations de cette sorte concernant Wagner sont légion. Interrogé à plusieurs reprises à ce sujet, Vladimir Poutine nie toute responsabilité dans ces exactions. Wagner n'est pas l'armée régulière russe, se contente-t-il d'affirmer. Elle est pourtant surnommée l'armée secrète de Poutine, alors même que les sociétés privées militaires sont en principe interdites en Russie. Mais Wagner a manifestement ses entrées au Kremlin.

Tout le problème est là : Wagner et ses hommes sans scrupules ont visiblement pour mission d'effectuer les sales besognes de l'État russe. En novembre dernier, le Parlement européen a adopté une résolution qui reconnaissait la Russie comme un État soutenant le terrorisme et comme un État qui a recours aux moyens du terrorisme. La résolution a été adoptée par 494 voix pour, 58 contre et 44 abstentions. Je vous laisse regarder qui a voté contre et qui s'est abstenu.

Ce soutien au terrorisme a un nom : il s'appelle Wagner. Terroriste ? Bien sûr ! Il suffit de se référer à la définition des actes de terrorisme, rappelée par le Conseil européen à plusieurs reprises depuis 2002 : il s'agit d'actes illégaux portant gravement atteinte à un pays et ayant pour but d'intimider sa population, ou de gravement déstabiliser ou détruire ses structures. Il ne fait donc pas de doute que les actes commis par Wagner, et la communication macabre ou la désinformation qui les accompagne, constituent bien des actes de terrorisme.

Si cette résolution n'aura bien sûr aucune valeur contraignante, elle permettra d'envoyer un message politique fort visant à dénoncer Wagner et l'État russe qui se cache derrière ce groupe. Ce message, nous le devons aux victimes, mais également à tous ceux qui, chaque jour, continuent de se battre contre la Russie, en Ukraine comme en Afrique. S'abstenir ou voter contre, ce serait choisir le camp d'un dictateur et de ceux qui accomplissent ses basses œuvres.

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