Intervention de Dino Cinieri

Séance en hémicycle du lundi 15 mai 2023 à 16h00
Prévention des incendies et lutte contre l'intensification et l'extension du risque — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDino Cinieri :

Un rapport sénatorial, remis à l'été 2022, a préconisé plusieurs dispositifs pour mieux prévenir et lutter contre les mégafeux, qui se multiplient ces dernières années à cause du réchauffement climatique. La présente proposition de loi a repris plusieurs de ces préconisations. Les sénateurs ont mis en évidence des perspectives inquiétantes d'ici à 2050 : en Provence, les surfaces brûlées pourraient augmenter de 80 % ; près de 50 % des landes et des forêts pourraient être concernées par un risque incendie élevé, contre un tiers en 2010 ; la période soumise à un risque fort sera trois fois plus longue, avec des feux hivernaux qui devraient eux aussi augmenter. L'efficacité de notre stratégie actuelle de lutte, qui a fait de la France un modèle en Europe et dans le monde, ne suffira pas à faire face à l'augmentation du risque incendie et à l'émergence de feux hors normes particulièrement difficiles à maîtriser.

Telle qu'elle a été adoptée et enrichie par les sénateurs, la proposition de loi vise huit grands objectifs : élaborer une stratégie nationale et interministérielle ; mieux réguler les interfaces entre forêts et zones urbaines ; dynamiser la gestion des forêts et promouvoir la sylviculture face au risque incendie ; améliorer l'aménagement des massifs forestiers ; mobiliser le monde agricole ; sensibiliser les populations ; équiper les sapeurs-pompiers à la hauteur des besoins ; reboiser les parcelles brûlées et financer la reconstitution de forêts plus résilientes.

Neuf feux de forêt sur dix sont d'origine humaine, qu'ils soient intentionnels ou accidentels. C'est pourquoi, parmi les mesures phares, le texte consacre notamment, au niveau législatif, l'interdiction de fumer dans un bois ou une forêt classée à risque d'incendie. Il renforce et clarifie également l'obligation légale de débroussaillement. Les sénateurs ont largement approuvé les grandes lignes du texte initial, en y apportant toutefois quelques modifications : ils ont confirmé le rôle essentiel des sylviculteurs et des agriculteurs dans la prévention ; ils ont intégré la stratégie nationale interministérielle de lutte contre les incendies dans la politique de gestion de l'eau et de protection de la biodiversité ; ils ont tenu à renforcer le caractère dissuasif des sanctions.

Nous devons définir une politique publique globale et cohérente, qui puisse se décliner dans les territoires en s'adaptant à leurs particularités. Ce texte est adapté aux réalités du terrain, dont les Républicains se font sans cesse l'écho. Parallèlement, cette initiative de nos collègues sénateurs a permis de faire prendre conscience de l'urgence au Gouvernement, qui tardait à prendre des mesures fortes et rapides. En avril, une semaine après l'adoption de cette proposition de loi au Sénat, le Gouvernement a présenté son dispositif contre les feux de forêt. Les moyens aériens seront désormais gérés au niveau national et des moyens supplémentaires ont été annoncés pour les Sdis, notamment 180 millions pour l'achat de 1 100 engins, et 500 sapeurs-pompiers supplémentaires. Pour permettre une meilleure adaptation de la forêt, il est prévu de débloquer 150 premiers millions pour le démarrage de la plantation du milliard d'arbres promis par le Président de la République ; par ailleurs, 40 millions seront alloués à l'ONF pour mieux préparer les forêts au réchauffement climatique. Nous saluons évidemment ces annonces du Président de la République, mais nous attendons des actes plus concrets.

Un rapport parlementaire sur le suivi des engagements de la France pour le climat pointe justement les nombreux manquements et insuffisances. C'est aussi la conclusion du HCC, qui a souligné à plusieurs reprises que le Gouvernement doit réduire au moins deux fois plus vite les émissions de CO? de la France. Nous espérons donc que ce texte consensuel sera adopté et publié avant l'été, alors que la sécheresse de cet hiver fait dès à présent peser le risque de nouveaux feux de forêt de grande ampleur.

Cependant, nous sommes inquiets, car le Gouvernement vient de déposer des amendements de suppression des articles 32 et 33. Le groupe Renaissance cherche également à réduire drastiquement la portée de l'article 34. L'adoption de ces amendements ferait perdre au texte une partie des apports initiaux voulus par le Sénat et par les députés du groupe LR. C'est pourquoi celui-ci appelle à voter ce texte tel qu'il a été enrichi en commission et sous réserve du rejet des amendements de suppression du Gouvernement. L'État devra ensuite prendre ses responsabilités en matière de moyens humains et financiers, notamment pour soutenir les sapeurs-pompiers, auxquels je tiens à rendre un hommage appuyé : leur dévouement et leur courage méritent la reconnaissance de la nation.

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