Intervention de Frédéric Zgainski

Séance en hémicycle du lundi 15 mai 2023 à 16h00
Prévention des incendies et lutte contre l'intensification et l'extension du risque — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Zgainski :

« À quinze heures, il faisait noir comme en pleine nuit. Comme des nuages très, très bas, mais de fumée. À Bordeaux, à 30 kilomètres d'ici, des cendres retombaient en ville. Et, sur la route, les gens fuyaient, à pied, à vélo, en voiture… Comme l'exode de la guerre. »

Ces paroles sont celles de Christian Giraudeau, qui avait 14 ans lors de l'« incendie du siècle » qui ravagea, en 1949, à Cestas, ville dont je suis l'élu, le massif des Landes de Gascogne. Les flammes ont emporté deux de ses camarades de classe et 80 autres personnes, dont 23 militaires du 33e régiment d'artillerie de Châtellerault ainsi que le maire de Saucats, Roger Giraudeau. À Cestas, nous commémorons cette tragédie au mois d'août, devant un monument dédié aux victimes.

Cette tornade de feu fut l'un des premiers cas d'embrasement-éclair généralisé à ciel ouvert : 52 000 hectares sont partis en fumée en six jours. Cette catastrophe humaine et écologique est intervenue deux ans après la création d'un corps spécifique de sapeurs-pompiers forestiers professionnels, au terme d'une décennie difficile, marquée par les sécheresses et les feux de forêt. L'année 1949 allait être celle d'une accélération spectaculaire de la prévention, grâce à laquelle la plus grande forêt cultivée d'Europe est devenue l'une des mieux entretenues et des plus sécurisées. Pourtant, depuis cette date, des centaines de milliers d'hectares sont encore partis en fumée.

Le changement climatique ne nous promet pas des jours meilleurs. Dans son sixième rapport d'évaluation, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) prévoit une hausse de la probabilité des feux de forêt de portée catastrophique – entre 30 % et 60 % d'ici la fin du siècle, selon les scénarios d'évolution des émissions de gaz à effet de serre. Les feux s'intensifieront et s'étendront dans l'espace et dans le temps en raison de la multiplication des périodes de sécheresse. Les terres agricoles elles-mêmes seront de plus en plus vulnérables. Selon le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, désormais, « la saison des feux, c'est toute l'année ».

La guerre contre le feu ne se gagnera qu'au prix d'un effort impliquant l'ensemble des politiques publiques et à condition qu'une plus grande place soit accordée à la prévention. Face au cumul des défis – climatique, économique et sécuritaire –, le Sénat nous propose une stratégie de prévention qui comprend le renforcement de l'obligation légale de débroussaillement, la dynamisation de la gestion sylvicole, la sécurisation des travaux des agriculteurs ainsi qu'une meilleure sensibilisation des citoyens et une incitation à la mise à disposition des sapeurs-pompiers volontaires.

Nous saluons ces mesures, mais nous souhaitons mettre l'accent sur la nécessité d'élaborer des stratégies et des outils adaptés aux spécificités de chaque territoire. C'est pourquoi nous soutiendrons un amendement visant à soumettre la carte identifiant la sensibilité au danger prévisible des feux de forêt et de végétation du territoire européen de la France à l'avis de la direction départementale des territoires et de la chambre départementale d'agriculture.

La proposition de loi tend également à adapter les diverses législations applicables aux acteurs de la lutte contre les incendies, au premier rang desquels figurent les pompiers et la DFCI – qui joue un rôle majeur, notamment en Aquitaine –, ce qui permettra de porter leurs capacités de réponse à hauteur du risque.

Nous soutenons toute mesure visant à donner des marges de manœuvre supplémentaires, tant financières qu'opérationnelles, aux Sdis. Nous appelons également de nos vœux la réalisation d'un état des lieux des outils et dispositifs existants afin de faciliter le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires par les entreprises et par les services départementaux d'incendie et de secours. Cet état des lieux nous permettra d'identifier les lacunes existantes et, à terme, les mesures pertinentes – je pense aux contrats d'apprentissage et d'alternance, par exemple.

Car nous ne serons jamais suffisamment nombreux pour protéger les poumons de notre planète. En soutenant l'adoption de ce texte, le groupe Démocrate salue l'engagement de tous leurs protecteurs. Puissent nos forêts nous faire respirer et nous inspirer encore longtemps !

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