Intervention de François Fillon

Réunion du mardi 2 mai 2023 à 15h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

François Fillon, ancien Premier ministre :

Je n'ai pas évoqué ces sujets parce que j'imaginais bien que vous alliez m'interroger dessus.

Au préalable, je voudrais indiquer qu'en 2017, dans les circonstances que chacun ici connaît, j'ai quitté la vie publique de manière définitive et entamé une carrière professionnelle. Cette carrière ne regarde que moi : je n'ai de comptes à rendre à personne sur la manière dont je la conduis, dans le respect naturellement des lois de la République et des règlements européens. Depuis cette date, je suis une personne privée.

J'ai commencé pendant trois années par être l'associé d'une société d'investissement française. Durant cette période, je n'ai eu aucune occasion de travailler avec la Russie puisque, comme vous le savez, travailler avec ce pays revient pour un établissement financier européen à s'exposer immédiatement aux sanctions américaines, d'une manière ou d'une autre. J'ai également siégé au conseil d'administration d'une entreprise d'intelligence artificielle aux États-Unis.

Pour cette entreprise d'investissement française, j'ai notamment ouvert un bureau au Japon et j'ai été à l'origine de la création d'un fonds consacré à la transition énergétique, qui doit aujourd'hui gérer près de 2 milliards d'euros d'actifs. J'ai créé un conseil international, au sein duquel j'ai recruté un ancien Premier ministre social-démocrate italien ou encore celle qui coiffe désormais l'ensemble des services de renseignement américains. Cela donne une idée de mes activités au cours de ces trois ans.

J'ai ensuite décidé de conduire ma propre activité de conseil pour des entreprises françaises et européennes. Un certain nombre d'entre elles m'ont demandé de les aider à entrer ou à se développer en Russie, sachant que je connaissais ce pays et son fonctionnement. J'ai donc commencé à y effectuer des séjours relativement longs, de quelques semaines. L'une de ces entreprises, CIFAL, m'a demandé de l'aider à établir des contacts avec Rosneft pour l'un de ses clients.

Les articles qui sont parus sur ce sujet sont des exemples de manipulation « soft » de l'information. Je ne suis pas concerné par les enquêtes en cours. J'ai travaillé pour une entreprise qui, elle, fait l'objet d'une enquête, mais l'on titre « François Fillon est concerné par une enquête »… Non, je ne suis pas concerné par cette enquête.

Je n'en dirai pas plus sur CIFAL, puisqu'une information judiciaire est en cours, sauf pour exprimer mon très grand respect pour cette entreprise et pour Gilles Rémy, qui la dirige. CIFAL a été créée par les communistes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour développer la relation économique entre la France et la Russie. Lors des vingt dernières années, Gilles Rémy a œuvré de manière remarquable pour le développement des entreprises françaises et des intérêts français en Russie. Je trouve très injuste de jeter l'opprobre sur CIFAL parce qu'il y a la guerre en Ukraine. Ce n'est pas Gilles Rémy qui l'a déclenchée, c'est le président Poutine, et Gilles Rémy n'est pas responsable de la situation que nous connaissons.

J'en viens aux conseils d'administration dans lesquels j'ai accepté de siéger.

Dans le cadre de mes missions en Russie pour le compte d'un nombre important d'entreprises françaises, j'ai été amené à plusieurs reprises à rencontrer le président de Zaroubejneft, une entreprise pétrolière qui n'intervient qu'en dehors de la Russie. Elle exploite pour l'essentiel des gisements de pétrole et de gaz en Asie, beaucoup au Vietnam, et quelques-uns en Amérique latine et en Asie centrale. Je lui ai proposé des coopérations avec des entreprises françaises, notamment avec CIFAL. Cela n'a jamais abouti mais, à la suite de ces discussions, il m'a proposé d'entrer au conseil d'administration de Zaroubejneft.

J'ai considéré que c'était utile au développement de mes activités professionnelles en Russie, puisque mon projet était de continuer à y développer des activités de conseil pour les entreprises françaises et européennes. J'ai accepté. Je l'ai fait d'autant plus facilement qu'il n'y a strictement aucune friction entre Zaroubejneft et la France : cette entreprise n'intervient pas en France et n'a pas de rapports avec notre pays ou avec les entreprises pétrolières françaises.

Dans la foulée de cette nomination au conseil d'administration de Zaroubejneft, j'ai été sollicité par le président de Novatek – la société pétrolière associée à Total notamment pour l'exploitation des gisements gaziers de Yamal – pour siéger au conseil d'administration de Sibur, une société privée de pétrochimie. J'ai accepté. J'étais chargé – cela fera sourire certains, mais c'est ainsi – d'une certaine occidentalisation de l'entreprise, c'est-à-dire d'introduire dans sa gestion des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.

Je ne vais pas pouvoir vous en dire beaucoup plus, pour une raison très simple : tout cela a eu lieu à la fin de l'année 2021. J'ai assisté à un conseil d'administration de Zaroubejneft, à un de Sibur, en visioconférence en raison du covid, et dès l'invasion de l'Ukraine par la Russie, j'ai démissionné de ces conseils d'administration.

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