Intervention de Marc Fesneau

Réunion du mercredi 3 mai 2023 à 16h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire :

Le dérèglement climatique impose de nouvelles contraintes, en premier lieu l'arythmie et l'évapotranspiration causée par les épisodes de canicule extrême. Ces phénomènes seront amenés à s'amplifier dans les années à venir. Bien que les experts du Giec s'attendent à ce que la quantité d'eau reste équivalente à celle d'aujourd'hui – même si elle diminuera sans doute dans le Sud-Ouest et le Sud-Est –, le stress hydrique et thermique fera émerger de nouveaux défis pour l'agriculture.

Sur le volet agricole, le plan s'inscrit dans la continuité du Varenne de l'eau, qui posait trois principes. Le premier est de bénéficier d'un système assurantiel qui permet une garantie face aux événements climatiques – la sécheresse, mais également les épisodes de gel ou de grêle. C'est le cas depuis cette année. Deuxièmement, il s'agit de s'interroger sur la nature des ouvrages à élaborer pour répondre à la contrainte d'une arythmie de l'eau, lorsque les conditions les rendent pertinents. Enfin, le plan prend en compte l'évolution des pratiques, à la fois sur les assolements et sur la nécessité d'un matériel plus économe en eau.

La stratégie agricole du plan « eau » prône une sobriété à l'hectare. Certains territoires, qui n'en avaient pas besoin, risquent de devoir recourir à l'irrigation ; or les prélèvements ne devront pas augmenter dans les décennies à venir. Seule voie possible, cette sobriété repose sur des systèmes ou des variétés plus économes en eau et moins sensibles aux stress hydrique et thermique.

Il me semble par ailleurs que nous devons prendre en compte l'enjeu de communication auprès de l'opinion publique : il convient en effet de rappeler que l'eau prélevée en agriculture est destinée à l'alimentation. Elle est d'intérêt général et public : il ne s'agit pas d'une forme de privatisation. Elle sert à tous, comme l'eau potable ou l'eau prélevée pour lutter contre les incendies. Il faut donc la préserver et assurer sa bonne répartition ; aussi les efforts de sobriété sont-ils nécessaires.

J'en viens à la question des réserves de substitution. C'est en effet la voie que nous devons emprunter. Ce sujet doit être appréhendé au niveau du territoire, et non relever de décisions nationales. Certains territoires ont plus d'avance que d'autres dans ce domaine. Ce n'est pas un hasard si le Président de la République a choisi de faire ses annonces dans une région qui, depuis longtemps, se soucie de cette question, au pied d'un système d'irrigation très puissant, appuyé sur une réserve d'eau considérable. Personne, aujourd'hui, ne remettrait en cause l'ouvrage qui a été construit à Serre-Ponçon, utile à la fois à l'irrigation, à l'alimentation en eau potable, au maintien des étiages et au tourisme. Les ouvrages multiusages devraient à mon sens être favorisés, car ils permettent le partage collectif de la contrainte – y compris entre les usages en amont et en aval.

En France, 7 % de la surface agricole est irriguée, soit un pourcentage beaucoup plus faible qu'en Italie, en Espagne ou même aux Pays-Bas. La réflexion sur les ouvrages nécessaires doit viser l'adéquation entre les étiages et la réalité agricole française.

Au-delà de ces mesures, la réutilisation des eaux est un enjeu de taille. La France accuse un retard considérable en la matière, causé, sans doute, par notre rapport à l'eau usagée. Il s'agit principalement d'un sujet de réglementation.

En outre, de nombreux ouvrages existent, mais un tiers à un quart du volume qu'ils produisent n'est pas utilisé en raison d'un envasement ou d'un problème lié à leur entretien.

S'agissant de la qualité de l'eau, des périmètres de protection de captage sont nécessaires. Il faut cependant souligner que certains périmètres ont été établis en raison de molécules interdites il y a quinze ou vingt ans. Le temps de rémanence me paraît suffisamment long pour nous inviter à la modestie en la matière.

Enfin, en matière de gouvernance, nous devons réfléchir à définir la bonne autorité compétente en matière de décision sur les retenues et les interdictions. Le cas des Pyrénées-Orientales est emblématique : la retenue est gérée par le département et les interdictions par le préfet de département. La politique de gestion quantitative et la politique de restriction quantitative ne relèvent donc pas de la même gouvernance. Nous devons plutôt penser une gouvernance générale. Dans ce département, mais également dans d'autres à l'avenir, il nous faut montrer la part des efforts réalisés par chaque acteur, qu'il s'agisse d'activités agricoles ou touristiques. Il ne s'agit pas d'attiser la guerre de l'eau, mais au contraire de l'apaiser. Or, pour cela, nous devons réfléchir à des répartitions d'usages pertinentes.

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