Intervention de Marc Papinutti

Réunion du mercredi 10 mai 2023 à 15h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Marc Papinutti :

La concertation pour la concertation n'est que communication. Comment, alors, s'assurer que le citoyen voit que ce qu'il a dit a été pris en compte ? Ce débat a eu lieu au sein de la CNDP depuis les origines ; elle y a répondu par la concertation continue. Au-delà, la reddition des comptes est impérative, et il revient à la CNDP mais aussi à vous, parlementaires, lorsque vous disposez du rapport ou de l'avis de la Commission nationale, de l'exiger du maître d'ouvrage. Par exemple, dans le domaine nucléaire, le grand débat sur Penly sera extrêmement intéressant ; vous devriez auditionner ceux qui l'ont conduit, la commission particulière du débat public et les garants sur le mix nucléaire, mais c'est bien la réponse du maître d'ouvrage, EDF, pour Penly, et celle de l'État qui contribueront au débat sur la LPEC.

La question des plafonds d'énergie nucléaire était plutôt du domaine législatif. Au-delà, le débat sur Penly a été révélateur de controverses mais aussi d'un sujet crucial : comment atteindre tout le public ? Les méthodes classiques, notamment les réunions publiques, sont désormais problématiques et ne permettent pas à tout le monde de s'exprimer. Non seulement ne prennent la parole que les bons orateurs, mais certains sont empêchés de parler par des coups de sifflet persistants ; on est dans une impasse. La CNDP a donc utilisé plusieurs autres méthodes : sur le mix énergétique, une centaine de jeunes gens ont été tirés au sort, pour deux jours et demi de brainstorming. On est allé chercher des publics, non pour obtenir une décision politique, mais simplement pour qu'une expression puisse avoir lieu, car tel est le problème actuel. J'ai mentionné les maisons France services. Je suis sûr que l'on peut inventer d'autres méthodes, mais il est difficile de recourir aux réseaux sociaux, qui sont aussi des diffuseurs d'informations fausses qu'il faut ensuite s'efforcer désespérément de corriger. D'autre part, nous gagnerions à transformer nos experts techniques en experts sociotechniques pour que les échanges soient plus faciles. Les collectivités locales, qui expérimentent quotidiennement en ce domaine, nous aideront, et cela sera réciproque.

La CNDP doit aussi des comptes à la représentation nationale. Mme Chantal Jouanno s'est appliquée à le faire il y a quelques semaines devant vous. Je considère que lorsqu'un débat public va se dérouler sur votre territoire, le garant doit vous contacter ; après quoi, il faut déterminer si vous devez parler en premier ou en dernier. Je m'engage à ce que toute décision de tenir un débat public prise par la CNDP soit communiquée à chaque député et sénateur concerné. On éviterait ainsi bien des désagréments.

Les projets tels que ceux de méthaniseurs « XXL » sont complexes. Ils partent d'une bonne intention : réutiliser du lisier et du fumier polluants en biogaz. Le débat public a commencé tardivement, mais sa première étape a permis de réduire le volume du projet. J'ai connaissance d'autres projets, d'éolien terrestre cette fois, pour lesquels le maître d'ouvrage, sentant la réticence de la commune concernée, a demandé un garant. Dans les débats de ce type, le rôle primordial de la CNDP n'est pas de trouver le consensus mais d'apaiser le débat et, lors de la reddition des comptes, de faire comprendre au maître d'ouvrage ce qu'il doit corriger.

Renforcer la concertation n'est pas simplement une question de méthode. Il ne s'agit pas d'améliorer l'organisation de la réunion publique, mais de trouver comment permettre aux gens de s'exprimer et qu'un retour soit fait sur ce qui s'est dit. Parce que la facilité d'expression est inégalement répartie, on en vient à des tirages au sort ou à des micro-conventions. Plus largement, il faut toucher les jeunes gens, qui consultent d'autres media. Ils sont, de très loin, les plus sensibles aux sujets qui font l'objet de débats publics, mais le monde « bien huilé » de la CNDP ne les touche pas facilement. Il nous faut pourtant les atteindre, parce qu'ils sont les plus concernés par les transformations à venir.

Il faudrait, je l'ai dit, généraliser la collaboration entre la CNDP et divers conseils, et que le partenariat lancé avec le Conseil national de l'alimentation trouve son pendant avec le Comité national de l'eau et le Conseil national de l'air, par exemple. Il faudra aussi se pencher sur le sort effectivement réservé aux avis émis par ces instances. Mais la question sous-jacente est plus vaste : quelle orientation donner à la CNDP ? Doit-elle, a demandé Mme Chantal Jouanno, rester un organisme participatif au champ d'activité circonscrit aux questions environnementales, ou devenir une instance participative générale ? D'autres organismes ont un rôle en matière de participation, mais sur des bases différentes, et il ne faut pas négliger le volet « environnement », au cœur de la transition en cours. Il revient donc aux présidents des différents conseils de nous inviter, soit, mieux encore, de rédiger des conventions de méthode, notamment pour les avis, dont la haute technicité fait que les citoyens ont du mal à s'en emparer.

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